
L’île de Ré pointée du doigt, Uniré réagit fermement
Les pulvérisateurs confinés permettent de cibler les épandages et récupérer jusqu'à 80 % des produits en début de campagneC’est avec stupéfaction que les agriculteurs rétais ont découvert via un article de Sud-Ouest Charente-Maritime la carte Solagro* sur l’utilisation des pesticides, pointant du doigt – entre autres – les pratiques culturales sur l’île de Ré. Alors que la Coopérative Uniré et ses adhérents sont engagés depuis plusieurs années dans une démarche environnementale**, les résultats sont très surprenants. Ré à la Hune a interrogé Uniré, qui apporte de nombreux éléments factuels révélant la faiblesse de la démarche méthodologique de cette « entreprise associative ».
Certes, on le sait, la culture de la vigne demande plus de traitements que d’autres cultures. On sait aussi que la pomme de terre primeur en exige beaucoup moins que la pomme de terre dite « de consommation ». Mais la méthodologie employée par Solagro laisse songeur.
« Cet indicateur national ne reflète en aucun cas les pratiques locales de nos producteurs ». En appui de cette affirmation, Jérôme Poulard, responsable technique de la coopérative des vignerons et des maraîchers de l’île de Ré, et Christophe Barthère, directeur général d’Uniré, expliquent assez simplement des éléments de méthodologie qui pourraient de prime abord paraître complexes à un non initié.
Des surfaces agricoles sous estimées
Solagro a créé un nouveau niveau d’indicateur : l’Indice de fréquence de traitement (IFT) communal, alors que celui-ci est d’habitude calculé par exploitation et ensuite agrégé pour l’ensemble d’Uniré.
Cet IFT communal est calculé ainsi par Solagro :
Somme culture de la commune (surface x IFT de référence régional) / Surface agricole utile de la commune (ha)
Première limite de la méthodologie proposée par cet organisme : le calcul de cet IFT communal est basé sur des Surfaces agricoles utiles de chaque commune. L’assolement est ainsi calculé à partir du Registre parcellaire graphique (RPG) qui est une base de données géographiques servant de référence à l’instruction des aides de la politique agricole commune (PAC). « Or sur l’île de Ré nous n’avons pas tellement besoin pour la vigne de faire de telles déclarations utiles uniquement pour obtenir des subventions, et les maraîchers en pomme de terre ne sont pas éligibles » nous explique Uniré. Ce que confirme noir sur blanc dans un mail la Chambre d’Agriculture de Charente-Maritime : « Les parcelles en vignes et maraîchage ou pépinières ne sont pas nécessairement déclarées à la PAC. » Ainsi estimé à 1538 hectares, le dénominateur du ratio est fortement sous-estimé, grossissant d’autant le montant du ratio.
Un IFT moyen régional (16,8) plus du double de celui d’Uniré (7,37)
Autre limite extrêmement surprenante, le calcul se fait avec un IFT moyen régional et non pas un IFT local. Alors que l’IFT moyen pour la région Cognac en viticulture (source Agreste 2021) est de 16,8, l’IFT moyen pondéré par surface d’Uniré pour la viticulture est de 7,37 pour cette même année 2021, soit moins de 44 % de la moyenne régionale, qui sert de base au calcul de Solagro !
En outre, l’évolution de la fréquence de traitement pour les viticulteurs rétais traduit la politique environnementale mise en place depuis 2016 notamment, l’IFT viticulture Uniré étant passé de 14,11 en 2016 à 7,37 en 2021, avec encore une baisse de 1,40 point entre 2020 et 2021.
L’IFT moyen de la pomme de terre en France Agreste 2019 était de 18,27, alors que l’IFT moyen des maraîchers Uniré était de 4,21 pour cette même année et est même descendu à 3,05 en 2021.
Christophe Barthère dénonce aussi une échelle de la carte Solagro mal proportionnée : « On a 4 ou 5 tranches en vert et après on franchit une nouvelle tranche tellement vite qu’on n’a aucune chance de ne pas être dans le rouge pour la viticulture, qui demande forcément une certaine fréquence de traitement », explique-t-il.
Exemple concret : Sainte-Marie de Ré
Sur la carte de Solagro, Sainte-Marie de Ré apparaît en « rouge écarlate » avec un IFT calculé donc selon la méthodologie énoncée ci-dessus à 13,06. Or le calcul par Uniré pour cette commune, basé sur la moyenne des IFT des 14 exploitations viticoles de la commune aboutit à un ratio de 8,08, très en-deçà donc de l’indicateur Solagro. Sainte-Marie de Ré représentant la plus grande surface à usage agricole de l’île, on voit bien que les résultats globaux sont déjà impactés par l’erreur sur cette commune, erreur du même ordre de grandeur sur les autres principales communes
Contrôles et démarche Environnementale
Certes, mais qui dit que les exploitants ne minorent pas les quantités de pesticides utilisées ? « Impossible », nous expliquent Jérôme Poulard et Christophe Barthère. « D’une part leurs achats d’intrants se font via la coopérative Uniré, qui suit de près les utilisations, les stocks, les fréquences de traitement, en plus de la compilation de données via Géofolia. Nous matchons les stocks avec la consommation. Et un audit externe est effectué par la Chambre d’Agriculture. Nous ne nous amuserions pas à cela, les conséquences seraient trop graves. On est à la pointe en matière de pratiques dans la région, on traite à bon escient, avec un suivi rigoureux, nous avons développé la méthode de la confusion sexuelle depuis de nombreuses années, l’utilisation de pulvérisateurs confinés permet de cibler l’épandage (ils permettent en début de campagne de récupérer jusqu’à 80 % du produit et en fin de saison environ 20 %) et avons implanté nos 4 aires de lavage (3 sont déjà opérationnelles, celle du Bois-Plage le sera à l’automne 2022). Les fonds de cuve sont récupérés, transformés en boues inertes et retraités par des entreprises spécialisées. »
« Nous sommes dans l’objectif de la labellisation HVE 3 (Haute valeur environnementale niveau 3) d’Uniré en 2025 et dans la Certification Environnementale Cognac**, ce qui suppose que d’ici là 100 % de nos viticulteurs devront avoir été individuellement labellisés, nous les accompagnons dans cette démarche. Pour les plus petites exploitations, qui ne peuvent investir dans un pulvérisateur confiné, Uniré assurera la prestation ou mettra à disposition du matériel mutualisé ». « Nous adaptons au mieux et au plus près nos pratiques, nous traitons à bon escient. »
« Le Conseil d’Administration d’Uniré a aussi pris la décision depuis 3 ans de ne plus utiliser de produits CMR (cancérogène, mutagène, reprotoxique) en viticulture, il s‘agit d’une décision forte. » concluent les deux responsables d’Uniré.
Agribashing
Abasourdis par une telle démarche Christophe Barthère et Jérôme Poulard la qualifient d’ « Agribashing ». « A force de pédagogie, nous avions convaincu depuis quelques années de notre démarche environnementale, un tel article sans aucune contradiction ni vérification de la méthodologie employée nous fait énormément de mal. Nos adhérents sont pris à partie dans les vignes, au quotidien, et se font agresser ». Ils ne décolèrent pas d’une telle légèreté, lourde de conséquences pour leur profession.
Nathalie Vauchez
*Solagro est née en 1981 à Toulouse et a fait le choix depuis 2009 du statut d’entreprise associative, afin de conforter son positionnement. Elle souhaite apporter aux agriculteurs, coopératives et collectivités territoriales : « Une expertise innovante au service des transitions énergétique, agroécologique et alimentaire ».
**Lire notre article : Les exploitants d’Uniré engagés dans des démarches environnementales – Ré à la Hune (realahune.fr)
Blandine
Avec plaisir je vous accompagne dans les vignes de l’île de ré pour vous montrer (c’est visible quand on regarde au bon endroit) ce dont les vignerons d’uniré ne vous parlent pas.
Qu’importe les publications officielles : oui, c’est certain, et à l’œil nu, il y a une belle (belle belle) marge de progression pour la viticulture retaise…
Au plaisir d’échanger sur ce sujet.
Bien à vous,
Blandine Giambiasi
0680424230
aristide
l’arroseur arrosé….
On fait prendre pour parole d’évangile les divagations prétendument scientifiques des ONG, Assocs et autres officines écolo-bobo, tant que se conformer à leur discours, ça nous arrange… pour se mousser vis-à-vis des touristes…
… jusqu’au jour où lesdites divagations pseudo-scientifiques ne vont plus dans le sens qu’on veut !!!
Anny
Avec mes voisins nous avions préparé un courrier faisant part de nos inquiétudes pour notre santé en tant que riverains de vignes et de l’avenir des productions agricoles de l’île .
Après cet article explicatif nous avons décidé de ne pas l’envoyer.
C’est bien de recevoir ces explications rassurantes. Cependant nous habitons à Sainte Marie en bordure des vignes et champs et les pulvérisateurs confinés sont loin d’être utilisés par tous. Je regrette de ne pas pouvoir mettre les photos prises à quelques mètres de chez nous dans un nuage de produits pulvérisés lundi . En aucun cas il ne s’agit de faire de l’agribashing mais plutôt de nous inquiéter pour notre santé. Le programme de la coopérative va dans le bon sens mais restent la mise en œuvre et le contrôle de ces applications.
jerry_17
A voir les tracteurs répandant des pesticides a longueur de temps et ce dès le printemps dans les champs de vigne j’ai plus confiance dans ce que constate salagro que dans les réponses de unire,
jean marie BOURRY
La carte produite par Solagro résulte d’une démarche théorique et approximative ; c’est une modélisation qui ne cadre pas vraiment avec le terrain de l’Ile de Ré, mais les réactions outrées de la viticulture méritent plus de nuances si on considère les quantités et les toxicités des pesticides utilisés. Par ailleurs, l’affirmation de l’arrêt depuis 3 ans de toute pulvérisation de substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques est totalement en contradiction avec les achats réalisés par les exploitants agricoles rhétais en 2020. Quant au label HVE3 mis en avant, il n’est selon l’OFB, l’Autorité Environnementale, l’IDDRI et la Cour des Comptes, qu’un label dont le cahier des charges reste très insuffisant pour prétendre à un impact environnemental significatif. Le mettre sur le même plan que l’agriculture biologique relève de l’escroquerie.
Les limites de cette présentation Solagro sont multiples : la carte ne prend pas en compte la surface de la SAU par rapport à la surface totale de la commune (par exemple à Ré, les cultures couvrent 20% de l’île, ce qui génère une pollution inférieure à une viticulture qui en couvrirait 90% comme c’est souvent le cas ailleurs) ; elle ne prend pas en compte la dangerosité des 138 substances différentes soumises à redevance pour pollution qui sont achetées sur l’Ile de Ré et elle place sur un pied d’égalité les impacts de toutes ces substances en les appréhendant par leur seule fréquence de pulvérisation (IFT) ; elle cumule les IFT des substances non soumises à la redevance pour pollution diffuse (RPD) avec les CMR, PE et SDHI, et les IFT présentés résultent du croisement entre les différentes cultures mentionnées au registre parcellaire graphique avec les IFT recensés en 2018 à un niveau régional ou national.
Même avec un IFT de 8 comme l’invoque Uniré et non de 14 comme l’affiche Solagro, c’est déjà beaucoup en raison de la toxicité des substances employées. Car contrairement à ce qui est affirmé sur l’abandon des substances les plus dangereuses, en 2020 les pesticides cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) pèsent pour près de 20 % des substances achetées et soumises à la redevance pour pollution diffuse, soit 833 kg pour l’Ile de Ré.
Sur les 138 substances soumises à la RPD en 2020, 56 substances sont avérées ou suspectées perturbatrices endocriniennes (PE), totalisant 2 538 kg, soit 60 % de l’ensemble des substances soumises à la RPD. Ces substances ou molécules chimiques perturbent ou bloquent le fonctionnement du système endocrinien, donc l’action de nos hormones.
La baisse globale de -47% des tonnages d’achats entre 2017 et 2020 aurait pu aussi être évoquée mais, paradoxalement, cette baisse n’est pas homogène et parait ambivalente. Elle se localise au sein d’une substitution entre des substances fongicides. Les herbicides et les insecticides (hors biocontrôle) sont en hausse de +8% et +30%. Cette baisse globale des tonnages est tirée par une forte régression du tonnage global des fongicides, notamment du principal fongicide, le fosétyl-aluminium dont les achats ont été réduits à 230 kg en 2020 (baisse de -87%), alors que cette substance est considérée comme peu toxique et n’est pas taxée pour pollution. Mais le Folpel et le Mancozèbe (interdit à partir du 1/01/2021), substances classifiées cancérigènes et perturbateurs endocriniens (PE), sont aussi en forte régression avec -90% et -58%, un effort est effectivement constaté pour ces deux substances très toxiques.
Mais dans le même temps les substances fongicides SDHI dénoncées pour leur toxicité ont augmenté de + 79 %, totalisant 47 kg. Ces dernières s’utilisent à très faibles doses, variant de 80 g à 125 g/ha alors que les fongicides fortement réduits sus-évoqués requièrent des doses variant de 2 kg à 4,5 kg/ha.
Les fongicides SDHI, de même que les perturbateurs endocriniens, produisent des impacts délétères à des doses infimes. Le principe de ces substances SDHI est de bloquer la respiration mitochondriale. Selon des scientifiques de l’Inserm les SDHI, ils peuvent déclencher des anomalies génétiques, provoquer des tumeurs et des cancers, des encéphalopathies sévères, des maladies neurologiques graves. Ces impacts ont été établis avec les présences de ces substances telles qu’elles sont relevées dans notre environnement.
Est-on capable d’évaluer le progrès sanitaire et environnemental d’une substitution entre ces molécules ? surtout lorsque des fongicides SDHI sont substitués à du fosetyl aluminium…
La pratique HVE3 est présenté comme le graal de la viticulture mais nombre d’institutions en dénoncent les graves insuffisances.
Le label HVE3 est présenté comme porteur d’un grand progrès environnemental bien qu’il tolère l’utilisation des substances les plus toxiques, CMR, PE et SDHI. Alors que le label Bio progresse très lentement, y compris dans l’île de Ré où les surfaces ayant ce label seraient de l’ordre de 10 % de la SAU, le HVE3 lui est préféré. Or selon les avis de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), de la Cour des comptes, de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), de l’Autorité Environnementale (AE), l’absence d’ambition du cahier des charges de ce label ne permettra pas à celui-ci d’assurer la restauration et le respect des milieux naturels.
Dans la note de l’IDDRI, il est expliqué que la voie B permet d’obtenir ce label sans rien changer dans les pratiques phytosanitaires ! L’AE évoque le peu d’impact de la HVE en page 17 de son rapport. L’avis de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) est commenté sous le lien suivant :
https://www.pleinchamp.com/actualite/selon-l-ofb-tout-le-referentiel-hve-est-a-revoir
Autre progrès évoqué mais aussi insuffisant au regard de l’impact de doses infinitésimales des substances les plus toxiques : « La pulvérisation confinée »
La méthode de la pulvérisation confinée est certes un progrès, une partie du produit hors cible étant récupérée, mais il n’y a pas que la dérive au moment de l’application qui migre au-delà de la parcelle d’épandage. Dans ses rapports annuels, l’ATMOS évoque trois formes de propagation des molécules pesticides dans l’air et les sols. Il est mentionné que :
« La contamination de l’atmosphère par les pesticides s’effectue de trois manières différentes :
– par dérive au moment des applications,
– par volatilisation post-application à partir des sols et plantes traités,
– par érosion éolienne sous forme adsorbée sur les poussières de sols traités. »
L’association Générations Futures a établi que sur une liste limitée à 30 substances, en moyenne 2,6 d’entre elles ont été retrouvées sur les vitres d’habitations situées entre 21 mètres et 100 mètres des lieux d’épandage :
– https://www.generations-futures.fr/actualites/exporip-riverains-pesticides/.
Les méthodes agro-chimiques ont produit des effets dramatiques sur l’environnement et sur notre santé, la prise de conscience devient générale. Le label HVE3, en maintenant l’épandage des pires substances, notamment de substances CMR, SDHI et PE, impactantes à des doses infimes, et sans pouvoir en bloquer totalement la dérive, n’incarne pas le grand progrès environnemental prétendu par la filière viticole, c’est juste un tout petit pas dans une évolution que l’on espère vers le bio, lequel constitue la feuille de route de la Région Nouvelle Aquitaine à l’horizon 2030 avec son programme Néo Terra.
En outre, cette hausse de substances dangereuses SDHI et cet emploi des autres substances PE et CMR posent question au regard des pistes cyclables qui traversent les vignobles puisque pour ces produits CMR, PE et SDHI le délai de rentrée sur la parcelle est de 72 h après pulvérisation. On sait maintenant que les enfants et les fœtus peuvent être gravement impactés à certains moments de leur développement, par des doses infimes, telles que celles que l’on rencontre dans l’environnement, et nul ne sait quels sont les produits pulvérisés et quand le sont-ils.