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Les maisons du phylloxéra dans l’île


Un insecte venu de l’Est des États-Unis, le phylloxéra, est à l’origine au XIXe siècle, de la plus grande catastrophe que connaîtra le vignoble français. L’île de Ré surmonta cette crise grâce à la production des vignes plantées sur le sable et, a contrario du reste de la France, en tira une prospérité qui s’inscrivit dans l’architecture de ses villages.
En 1863, les vignobles de Pujaut dans le Gard sont attaqués par une maladie desséchant progressivement feuilles et sarments et entraînant la mort du cep : le phylloxera, nom également donné à l’insecte homoptère ravageur de la vigne. Cinq ans plus tard la maladie avance selon deux axes : Provence et Languedoc d’un côté et Aquitaine de l’autre. Au début des années 1880, les trois quarts du vignoble français ont disparu. Le phylloxéra apparaît en Charente-Maritime en 1876 et sa présence est constatée dans l’île de Ré le 4 août 1883, c’est-à-dire sept ans plus tard, après avoir détruit le vignoble de l’Aunis.
Une chance inespérée pour les Rétais : les terres sablonneuses

La chance des Rétais c’est que le phylloxéra, s’il s’attaque aux terres de groies, n’aime ni les sols sablonneux, ni l’eau. Les vignerons vont réagir rapidement et exploiter les sols sablonneux comme l’explique Louis Papy dans ses Annales de Géographie (1929) : « Les vignes plantées dans les sables résistèrent mieux aux ravages de l’insecte et désormais, les sols sablonneux, dont une partie était inculte, furent consacrés au vignoble ; des terres dont la valeur, avant la crise, ne dépassait pas 0fr02 le m2 trouvèrent vite acquéreur à 2fr et 3fr. »
Rappelons qu’en 1880, cette ressource essentielle de l’île couvrait près de 5000 hectares, soit 60 % de sa surface. Dans les années 1880 à 1885, le vignoble français étant détruit aux trois quarts, on enregistre une demande d’autant plus forte de ces vins blanc et rouge, qui ne sont pas d’une qualité extraordinaire, mais participent à la fabrication des eaux-de-vie. Les vignerons rétais répondent à cette demande grâce aux sols sablonneux, grâce aussi à l’emploi de deux cépages particulièrement productifs : Folle blanche et Folle noire. Le Dr Kemmerer note dans L’Insula Rhéa « La récolte de 1886 a été prodigieuse. 40 000 tonneaux de vin ont dû verser dans l’île une pluie d’or de dix à douze millions. (…) Je me découvre devant le phylloxéra, ce missionnaire de Dieu, qui veut que le sol sablonneux de l’île de Ré qui, en 1865, se vendait deux centimes le mètre, trouve acquéreur aujourd’hui à deux francs ; et que la terre qui valait 5 francs le mètre soit tombée à deux francs. »
Une révolution sociale et architecturale
Les terres sablonneuses, considérées jusque-là comme de moins bonnes terres prennent de la valeur alors que le prix des terres agricoles chute. On assiste à un transfert de richesse dans la société rétaise, comme le remarque encore le Dr Kemmerer : « Cette révolution économique qui frappe le riche dans ses propriétés salicoles et vinicoles et qui relève l’humble travailleur me fait rêver. »

Léon Gendre remarque, que durant cette période faste pour l’économie, la population de l’île cesse de baisser de 1861 à 1891 et reste stable aux alentours de 16 000 habitants. Il explique aussi comment vont naître ces maisons qu’il qualifie de « maisons du Phylloxéra ». L’émergence de fortunes locales s’accompagne de la construction de grandes maisons qui vont modifier l’allure du centre des villages en particulier de Saint-Clément des Baleines, de Sainte-Marie et La Noue, du Bois- Plage, de La Flotte et de Rivedoux. Saint-Martin, ville de magistrats et de négociants, qui possède déjà de beaux bâtiments, n’est pas touchée par le phénomène. Cette maison du vigneron se reconnaît à ses dimensions, à sa façade encadrée de pierres de taille et percée d’une porte d’entrée, en bois parfois sculpté, réservée aux grandes occasions et à la corniche travaillée soutenant le toit. Elle est flanquée d’un chai auquel on accède par un portail donnant sur la rue ou bien sur l’arrière de la maison.
La crise du Phylloxéra qui mettra plus de vingt ans à trouver sa solution dans l’adoption de porte-greffes issus de plants américains aura ainsi durablement et bénéfiquement marqué l’île de Ré retardant son déclin économique.
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