« Ré-Balades insolites » : coup de coeur pour sortie de route

On entre dans ce livre un peu l’eau à la bouche. Serait-ce ce coeur en bois flotté qui trône sur la couverture d’un bleu lumineux mais doux ? Ou ce « Balades insolites », posé discrètement en bas sans ostentation ? On sent qu’en ces pages se cache un véritable amour de l’Ile de Ré.

Mais la première des surprises, c’est lui justement, ce livre, insolite à lui tout seul, car déroutant. Et dès l’avant-propos, l’auteur nous met dans la confidence. Il a pour objet de nous dérouter, c’est le mot qui convient, au sens propre et figuré. Sortir de la route, des clichés, sublimes certes, mais trop rebattus. Sortir des routes (pourtant il n’y en a guère) pour des touristes dont la majorité n’a pas l’âme aventureuse et se contente de suivre un parcours fléché vers les sites les plus connus. Mais sortir des habitudes aussi pour les habitants de l’île qui, tout occupés à vaquer à leurs affaires et si coutumiers du paradis, en oublient parfois de regarder, s’émerveiller, chercher. Voilà le défi que nous lance (et que s’est lancé) Jean-Louis Jammet. En toute humilité et dans un français à la fois poétique et érudit. Sûr que M. Jammet utilise bien plus que les 2000 mots du vocabulaire courant. Et cela aussi, en plus de faire du bien, est déroutant.

« Balades insolites » est construit pour que le lecteur s’y perde et qu’il ait, dès la fin de sa lecture, envie d’aller se perdre tout à fait (et physiquement), les yeux écarquillés en quête de merveilles dissimulées à ses yeux pauvrement humains. Alors bien sûr, l’auteur ne critique pas les autres manières d’aborder un territoire qu’il connaît pour y avoir vécu quinze ans. Bien sûr aussi qu’il nous emmène du pont à Trousse-Chemise en passant par villages et côtes. Mais dès le passage du pont, le ton est donné. Peut-être qu’il faut être professionnel de la nature (M. Jammet est Responsable du Pôle Environnement de l’Agglomération de La Rochelle) pour avoir le regard aussi aiguisé ? Mais non soyez rassurés, ce jeu de piste n’est là que pour nous inciter à inventer nos propres règles. Alors ce livre bien sûr risque le dédain des impatients. A ceux qui croient avoir tout vu et tout savoir de Ré la Blanche, je ne dirai qu’une chose. Qu’ici la lumière est chaque jour différente parce qu’elle veut nous tenir éveillés et qu’il n’y qu’à en suivre les infinies nuances pour trouver des trésors. Que cette île est comme toute femme belle et convoitée : elle se mérite. Eh oui, il faut être à la hauteur de cette terre plate baignée d’écume. Alors merci M. Jammet, pour cet hommage singulier qui lève un voile sur l’âme de Ré la mystérieuse.