La petite pêche rétaise : une tradition abandonnée ?

Un magnifique poisson frais, brillant, les ouïes bien rouge ou rosées, l’oeil vif et la chair ferme, c’est incomparablement plus savoureux qu’un poisson carré préfabriqué sans arrête avec les yeux dans les coins et enrobé de chapelure.
Dans notre île de Ré, entourée de coureaux poissonneux, les derniers pêcheurs rétais se battent pour que nous puissions encore connaître le plaisir d’apprécier dans notre assiette un poisson frais, acheté directement au pêcheur ou chez le poissonnier.
Un patrimoine culturel et maritime en danger
Dans quelques années, verrons-nous encore des bateaux de pêche dans nos ports rétais et d’authentiques marins sur les quais ? Face à une conjoncture économique difficile, aux contraintes des réglementations européenne et nationale, à des normes environnementales qu’ils appliquent… les professionnels de la petite pêche artisanale vont mal et ont de plus en plus de difficulté à exercer leur métier. La chute de 20% des apports en criées et la baisse de près de 30 % du chiffre d’affaires au port voisin de la Rochelle sont révélatrices d’une situation qui confirme une descente amorcée depuis bien des années dans l’indifférence générale.
« Je ne voudrais pas que ce soit la fin d’une époque ! »
Patrick Chevrier, lance un cri d’alarme. Ancien patron de pêche issu d’une longue tradition familiale rétaise, il a longtemps siégé au Comité régional des pêches. Même s’il a la satisfaction de voir aujourd’hui son fils Benjamin prendre la relève et poursuivre la pêche à bord de son bateau Jemapa, il dresse un constat amer et continue de se faire le porte-voix des derniers marins rétais.
« Dans les années 1960, l’île de Ré comptait plus de 150 bateaux de pêches dans les coureaux et au large, avec 600 marins rétais et plus de 180 emplois liés à la pêche. Je ne voudrais pas que ce soit la fin d’une belle époque. Je souhaite dire aux élus rétais que notre secteur de la petite pêche mérite d’être sauvé, encouragé. Nous participons à l’authenticité de l’île de Ré, à sa valeur ajoutée économique et touristique, comme tout le secteur primaire : agriculture, ostréiculture, viticulture. J’aimerais revoir les 54 bateaux de pêche qui ont assuré l’essor du port de La Flotte entre 1947 et 2013. De ces thoniers, chalutiers, caseyeurs, palangriers… il ne restait plus que 14 bateaux en 1980. Et pourtant à son apogée, la pêche flottaise générait 220 emplois maritimes, 30 emplois terrestres et 2500 à 3000 tonnes d’apports de poissons par an. Le denier thonier, le Louis-Monique de Pierre Pays, qui pêchait le thon sur les côtes espagnoles en marée de 30 jours, a effectué sa dernière saison en 1952 ».
Des raisons d’espérer : une pêche durable et raisonnée
Cinq bateaux sont encore en activité : L’Atlas à Saint-Martin, le Jason et le P’tit Jules à Ars, le Jemapa à La Flotte, et un bateau à Rivedoux. Cette petite flotille de pêche travaille pour survivre et perpétuer la tradition rétaise. Les raisons de ce déclin sont multiples et justifieraient une analyse approfondie dans un prochain article. Le marin pêcheur d’aujourd’hui est un technicien formé à la gestion de l’électronique embarquée pour l’assistance à la pêche, en capacité de cibler le mieux possible ses prises et d’oeuvrer pour la reconstitution des réserves halieutiques. « Les professionnels de la mer sont sensibilisés et formés pour gérer la ressource. La fermeture cette année de la pêche à la coquille Saint-Jacques est une des illustrations de nos divers engagements pour une pêche durable et raisonnée. Nous participons aux négociations sur les quotas de pêche et nous apportons notre expertise, parfois différente par ce que nous évaluons en mer. Comme par exemple pour lever l’interdiction de pêche de la raie brunette qui pullule sur nos côtes. Et puis pour les jeunes qui apprennent le métier, il y a des licences de pêche disponibles pour les pertuis ».
Les français aiment le poisson et en mangent une à deux fois par semaine. Avec 35 kg annuel par habitant, la France est le troisième consommateur européen. Et ce chiffre ne cesse de croître depuis dix ans. Sans les importations en provenance de la pêche et pisciculture étrangère, notre assiette serait vide de poisson six mois sur douze.
Alors pour assurer une production fraîche en circuit court et préserver nos pertuis de la présence de bateaux venus d’ailleurs, relancer la petite pêche locale et raisonnée n’est pas une question utopique… ni déraisonnable!
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