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L’Office National des Forêts gardien de nos dunes
L’ONF a pour mission de protéger les soixante-dix hectares de dunes dont l’État est propriétaire sur l’île de Ré. Un vrai travail de fourmi mené de main de maître par Thomas Tchiboukdjian, le technicien forestier territorial de l’Ile de Ré.

Ce matin-là, le seul technicien de l’ONF en poste sur l’île, Thomas Tchiboukdjian, arpente l’une des plus belles plages rétaises : Trousse- Chemise. Pour autant, ce n’est pas le banc du Bûcheron qu’il nous invite à admirer en premier, mais le travail accompli par l’ONF ces dernières années, dont nous pouvons aisément constater les résultats. Ici, en 2010, Xynthia avait fait reculer la dune d’une trentaine de mètres, et avait permis à l’océan de pénétrer dans la forêt en plusieurs endroits, laissant des dizaines d’arbres morts sur son passage. Aujourd’hui, la dune a bel et bien repris ses droits, et ce sur la totalité du linéaire de la plage.
« Les travaux ont commencé tout de suite après Xynthia », explique Thomas. « Mon prédécesseur avait utilisé les arbres morts pour construire une barrière tout au long de la plage, à l’endroit le plus haut, là où les vagues étaient venues taper. L’objectif était de créer artificiellement un point d’appui pour le sable. Et ça a marché : ça a été le début d’une petite dune. Ensuite, différents travaux ont été réalisés au fil des années sur les zones qui avaient été submergées. Peu à peu la dune a repris du terrain à ces endroits-là, parfois jusqu’à 2,5 mètres de hauteur. »
Brise-vent et barrières de protection
Sur les abords les plus proches de l’accès plage, rien n’avait été fait depuis 2010. À son arrivée en 2022, Thomas a donc décidé de s’atteler à cette zone, et, en trois ans, la dune a déjà avancé d’une dizaine de mètres. « Le principe est simple », reprend-il. « On installe des brise-vent qui captent et fixent le sable emporté par le vent. Ils sont toujours en matières naturelles : ce sont soit des ganivelles en bois, soit des filets en matière végétale, qui disparaissent peu à peu sous le sable ». Ainsi, les 700 mètres de ganivelles posées par ses soins au mois de novembre 2024 ont déjà disparu de moitié sur une vingtaine de centimètres de hauteur. « Et un peu plus loin derrière », continue Thomas, « on voit les vestiges d’une ganivelle plus ancienne qui a été complètement enterrée. Cette partie-là est maintenant végétalisée. On a de l’agropyron et de l’oyat qui ont pu pousser dessus, et leurs systèmes racinaires permettent de fixer encore mieux le sable et la dune. On n’ira pas beaucoup plus loin maintenant en direction de la mer, mais on va travailler à ce que la dune prenne de la hauteur. Nous allons disposer d’autres brise-vent, mais un peu différemment : un petit devant, un petit derrière et un grand au milieu, afin que le sable se fixe en hauteur. »
Un peu plus loin, c’est un filet en fibre de coco qui sert de brise-vent et permet au sable de s’accumuler. Néanmoins, l’installation a déjà subi quelques dommages à cause de promeneurs peu respectueux. Le succès des travaux entrepris par l’ONF sur les dunes est malheureusement soumis au respect des barriérages par le public. « À chaque fois qu’on pose un brisevent, on pose également une barrière pour interdire aux gens de marcher dessus. Mais ce n’est pas simple à faire respecter et les conséquences peuvent être rapidement désastreuses. Car si on piétine la dune, au bout d’un moment ça fait un petit chemin. Alors le vent s’engouffre et élargit peu à peu le sillon jusqu’à ce qu’il devienne un couloir d’érosion éolienne. »
« Parfois ça fonctionne, d’autres fois non »
Pour que ce type d’installation porte ses fruits, il faut donc que le public collabore, mais aussi que la nature le permette. « Nous avons fait exactement le même travail cet hiver sur la plage de La Loge, juste à côté », explique Thomas. « Mais on a pris un coup de mer et les ganivelles sont parties à l’eau. Les gens ne comprennent pas et nous disent qu’on gâche de l’argent public avec des ganivelles qui disparaissent à la première tempête. Mais c’est le jeu. Si on veut gagner un peu de terrain face à la mer, on est obligé de tenter. Parfois ça fonctionne, d’autres fois non. Et ce taux de perte est calculé dans nos financements. »
À Trousse-Chemise, en revanche, les conditions sont parfaites. Les eaux du Fier d’Ars restent plus calmes qu’ailleurs. La zone n’est pas en situation d’érosion mais d’accrétion, c’est-à-dire que la forêt et la dune ont tendance à avancer, non à reculer. « En fait, on accompagne la dynamique naturelle en augmentant la capacité de la dune à avancer et en l’aidant à prendre de la hauteur, afin de la protéger de la submersion et de futurs épisodes violents de surcote des marées ».
La situation est bien différente sur les zones d’érosion, comme à la Conche, à Saint-Clément-des-Baleines, où l’ONF a peu de moyens d’action. « C’est une zone en situation d’érosion chronique, c’est-à-dire qu’on perd de la dune progressivement. La mer la grignote et il y a une tendance globale au recul. Ici, nos travaux ont beaucoup moins d’effet et on est plus démuni en termes de solution. Pour éviter d’aggraver les choses, on pose des barrières interdisant aux gens d’approcher les dunes. On rationalise aussi les accès plage en en supprimant, car s’il y en a un tous les vingt mètres alors on a une dune trouée comme du gruyère, ce qui l’affaiblit. Hormis La Conche, la Côte sauvage ou certaines zones à La Couarde se trouvent également en situation d’érosion. « C’est particulièrement le cas là où il y a des digues ou des enrochements. Car cela accélère le phénomène, la puissance de l’océan se reportant sur la zone plus souple. C’est le cas sur la Côte sauvage, après les enrochements au niveau des blockhaus, mais aussi à La Couarde après le Boutillon. Alors qu’à partir des Folies, de Petit sergent, ou des Âneries, les dunes bougent moins, sont plus stables. »

Gestion douce et zones tampons
La philosophie d’intervention de l’ONF repose sur une gestion douce des espaces. « L’idée est d’accompagner la nature en douceur, à l’inverse d’un contrôle dur consistant à construire des digues ou des enrochements qui peuvent au contraire accélérer les phénomènes d’érosion. Un trait de côte doit rester vivant. Il faut donner de la respiration, accepter que ça bouge car le littoral est une interface entre la mer et la terre, c’est une zone qui bouge, comme le lit des fleuves. Il faut l’accepter. Pendant des années ça peut reculer, mais un jour ça va s’arrêter et on va regagner sur la mer. Le mieux à faire, c’est de préserver une zone tampon entre les villages et la mer ».
Ces zones tampons, ce sont les forêts domaniales comme le Lizay ou La Combe à l’eau, dont Thomas Tchiboukdjian est également responsable. On les appelle aussi « forêts de protection » car elles jouent un rôle important en absorbant les assauts de l’océan et les variations du trait de côte. En tout, ces forêts représentent 400 hectares dont Thomas chapeaute l’entretien. Il y aménage des zones d’accueil du public et des parkings. Il trace des chemins et des sentiers équestres, et veille à la préservation de la biodiversité. Pour autant, les 70 hectares de dunes occupent la moitié de son temps de travail.

Co-financements
Tous ces travaux sont réalisés soit dans le cadre de la Mission d’intérêt général de stabilisation et de protection des dunes littorales du domaine forestier privé de l’État (MIG Dunes), confiée à l’ONF par le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, soit dans le cadre de la Convention « dunes » qui la lie à la Communauté de Communes. L’État finance toutes les actions contre l’érosion éolienne, comme les brise-vent, à hauteur de 10 à 15 K€ par an. La CdC, quant à elle, finance tous les travaux permettant la canalisation du public, l’aménagement des accès plage ou certaines actions du type sapins pour la dune, pour un coût total annuel de 200 K€ en moyenne, financés via l’écotaxe. Pour chaque chantier, Thomas bénéficie du soutien de techniciens de l’ONF basés ailleurs dans le département, ou d’entreprises privées.
Les travaux de maintien des dunes reprendront maintenant à l’automne. Les zones ciblées seront Trousse-Chemise et la Conche sur de petites zones en répit d’érosion par rapport aux tempêtes de 2024. « Comme on fait un suivi permanent de chaque dune, on connaît très bien les zones les plus faibles et celles où il y a possibilité de tenter quelque chose », affirme Thomas. Armé de patience et de ténacité, il continuera coûte que coûte de soutenir les dunes de l’île de Ré face aux assauts de l’océan.
L’accès à la plage du Petit Sergent rénové
Dans le cadre de la Convention qui la lie à la Communauté de Communes, l’ONF se charge de l’entretien des accès aux plages et des zones d’accueil du public, parking compris. Ainsi au mois de juin, c’est l’accès à la plage du Petit Sergent qui a été rénové et entièrement repensé afin d’accueillir les personnes à mobilité réduite. Environ 240 mètres de platelage ont été posés, et une terrasse en bois a été installée face à la mer. L’accès à la zone de pique-nique a été refait, ainsi que l’aménagement du parking. Un chantier qui a coûté 123 K€ à la CdC.
Sur la plage du Petit Sergent, une terrasse face à la mer est désormais accessible aux personnes à mobilité réduite © Aurélie Bérard
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