L’île de Ré à l’heure du Grand Débat
Tandis que sur le plan national, certains dénoncent déjà une « entourloupe », l’île de Ré s’est, elle aussi, lancée dans le Grand Débat National.
Du Nord au Sud de l’île, les derniers jours de janvier auront vu fleurir les « Réunions d’initiatives locales ». Trois d’entre elles se sont tenues le 30 (Le Bois-Plage, Saint-Martin et Loix) et cinq autres le 31 (Les Portes, Ars, Saint-Clément, La Couarde et Sainte-Marie). Un programme chargé orchestré par les élus et des citoyens investis. S’il était difficile de les suivre toutes, nous avons participé à six d’entre elles, histoire de prendre la température rétaise.
Des thèmes et une charte
Sous tous les cieux de l’hexagone, ces réunions se ressemblent. Au menu quatre thèmes et une charte lue par élus ou organisateurs en préalable au débat. Il s’agit d’assurer le respect des principes démocratiques et de garantir les valeurs républicaines. Un engagement qui vaut pour tous : respect des autres et de leurs opinions, absence de propos de nature injurieuse ou raciste, pas d’agressivité et ni de violence, position neutre et restitution fidèle des débats en ce qui concerne plus particulièrement les animateurs et rapporteurs. Un cadre sain pour que chacun puisse s’exprimer librement et en toute sérénité.
Côté thèmes, les participants sont invités à échanger autour de la Transition Ecologique, de la Fiscalité et des Dépenses publiques, la Démocratie et la Citoyenneté et enfin l’Organisation de l’Etat et des Services publics. Les énoncer en dit suffisamment sur la densité qui s’ensuit.
Participation et déroulement
Une vingtaine de personnes avaient rejoint la salle des Eridolles au Bois- Plage mais l’horaire de la réunion (14h30) était sans doute peu favorable à ceux qui travaillent. On en comptait une dizaine de plus dans la salle de la Poudrière à Saint-Martin où deux « Gilets Jaunes » s’invitèrent en toute convivialité. La palme revient à La Couarde (enfin pour les réunions auxquelles nous avons assisté), avec plus de cinquante personnes. Dans les deux premières, le nombre de participants conduisit à faire « table commune » pour traiter les thèmes. Mais la richesse des échanges et le temps imparti en éliminèrent systématiquement un. A La Couarde en revanche, le débat, organisé en trois tables (les thèmes Démocratie et Citoyenneté et Organisation de l’Etat ayant été regroupés), l’entreprise fut menée à son terme, avec, en fin de séance, la présentation par les rapporteurs, d’une synthèse fort intéressante sur chaque thème.
Des sujets fédérateurs et d’autres plus sensibles
Si tous les thèmes sont bien sûr importants, il en est où l’expression est plus facile. Sans surprise, Transition Ecologique et Fiscalité fédèrent les participants de tous horizons. Santé de la planète et pouvoir d’achat sont des préoccupations communes. Quant à l’Etat, il est partout invité à baisser son train de vie. Les privilèges (ou ce qui est perçu comme tel) n’ont pas la cote. Thème majeur, Démocratie et Citoyenneté interpelle chacun. Touchant au fonctionnement de la République (prise en compte du vote blanc, incivilités, participation des citoyens), il aborde aussi celui de l’immigration, un sujet sensible qui fait parfois émerger quelques tensions. Etre citoyen aujourd’hui qu’est ce que c’est ? Le sujet, dans tous les cas, passionne. Mais là encore, une vision est commune : une baisse des effectifs (sénateurs ou députés) serait bienvenue.
Où sont les jeunes ?
Entendons par là les vingt-trente ans et même en dessous. Si le constat semble national, il n’est pas moins dommage que sur notre territoire, la jeunesse n’adhère pas à une initiative qui, même si elle a ses limites et nous les appréhendons tous, favorise les rencontres inter générationnelles et le vivre ensemble. Mais les « jeunes » participants ont au mieux entre trente et quarante ans, la majorité se situant plutôt à partir des cinquante et bien au-delà. Leur méfiance est-elle si forte ? Et ce serait un bien mauvais signal, ou aux paroles préfèrent-ils les actes ? C’est pourtant le propre de la jeunesse de refaire le monde… Mais sur Ré comme ailleurs, l’issue aujourd’hui hasardeuse de ce Grand Débat n’est sans doute pas pour rien dans leur absence.
L’essentiel c’est de participer dit-on. De toutes ces réunions une constatation s’impose : le besoin de communiquer est grand, les citoyens, tous les citoyens, ont beaucoup à dire. Et des idées aussi. Des dix communes de l’île, neuf se sont lancées dans l’aventure avec ces réunions « officielles », ouvrant aussi des salles à tous les citoyens (gilets jaunes ou pas) souhaitant eux-mêmes organiser des rencontres.
Session de rattrapage pour ceux qui n’auraient pu assister aux réunions de janvier, Rivedoux tiendra la sienne le 13 février prochain. Allez les jeunes, venez, nous avons tous besoin de vous entendre !
Pauline Leriche Rouard
Un manque de mobilisation certain
Les Portes en Ré : un vrai débat s’établit par la concertation et la discussion
Malgré le manque de mobilisation flagrant des Portingalais – ils n’étaient qu’une douzaine – ceux qui ont répondu à l’appel de la mairie, jeudi 31 janvier, ont débattu des questions posées par l’État français avec conviction. Pas d’intervenant dédié aux quatre tables de discussion, mais un participant lisait une question et chacun témoignait ensuite de son expérience personnelle avant de formuler une proposition adaptée. De l’insupportable mise en attente sur les répondeurs téléphoniques de nos services de l’État (tapez 1, tapez 2 + musique douceâtre…) au regroupement des écoles communales, les problèmes étaient étudiés en connaissance de cause. L’ambiance était détendue et studieuse. Les copies seront enregistrées sur le site du Grand Débat national via le compte créé par la mairie.
Véronique Hugerot
Ars-en-Ré : des questions réductrices, des débats intenses
Ici encore le nombre de participants était restreint et la moyenne d’âge, située au delà des soixante ans. Les vingt-sept casserons qui se sont déplacés ont assidûment échangé autour des quatre tables pour comprendre et tenter de porter leur parole citoyenne à l’oreille de l’État. Les questionnaires, jugés fastidieux, avec des questions « fermées et réductrices » n’ont pas tous été remplis, les participants souhaitaient prendre un temps de réflexion supplémentaire pour finir la copie chez soi. Certains points, comme l’immigration, étaient jugés hors sujet sur notre petit territoire et l’on manquait d’expérience pour être force de proposition. Quoi qu’il en soit, les échanges étaient intenses, ce qui présume d’un débat fructueux. Les conseillers municipaux prévoient d’envoyer les retours par voie papier en préfecture.
Véronique Hugerot
Saint-Clément des Baleines : cinq tables sinon rien
Dans la salle de la mairie, la douzaine de villageois qui se sont engagés dans le débat reflétaient toutes les tranches de l’âge adulte. Il ont eu la surprise de découvrir une cinquième table sur laquelle un cahier d’écolier était dédié aux « autres sujets ». En effet, Mr le maire, qui, à l’image de ses homologues rétais n’animait pas les débats, avait offert à ses administrés la possibilité de proposer d’autres suggestions, les questionnaires étant perçus comme trop ciblés et ne couvrant pas toutes les attentes des Français.
À la fin de la réunion, le temps ayant déjà manqué pour les quatre thèmes officiels, le petit cahier d’écolier n’avait reçu que peu de propositions. Celui-ci reste en mairie, à la disposition de la population jusqu’à la clôture de la campagne le 15 mars 2019. Du côté de la table Transition énergétique, il n’y avait aucun engouement. Aux autres tables, la plupart des citoyens remplissaient leurs questionnaires en solo alors que plusieurs rencontraient des difficultés à y répondre en l’absence de dialogue. Là aussi, bien des questions étaient jugées ardues, et l’on peut se demander si le citoyen lambda est à même de proposer ses suggestions en matière, par exemple, d’organisation de l’État. Les quatre questionnaires du Grand Débat National ne sont-ils justement pas élaborés pour mettre le citoyen lambda au pied du mur de son “incompétence” ?
Véronique Hugerot
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