La politique environnementale d’un « terrien » convaincu
Depuis le début de son mandat de maire, Jean Paul Héraudeau a placé l’environnement au coeur de la politique municipale de La Flotte. Ses actions en la matière sont avant tout pragmatiques, au service de la qualité de vie des Flottais et de l’attractivité de la commune. Elles s’inscrivent aussi dans une recherche d’équilibre entre préservation de l’environnement et des activités primaires. Interview.

Ré à la Hune : La préservation des espaces naturels sensibles, la création d’espaces de verdure en zone urbanisée et l’acquisition de terres agricoles pour favoriser l’installation d’exploitants sont au coeur de votre action municipale depuis votre élection en 2020. Quel est votre fil conducteur ?
Jean Paul Héraudeau : La politique touristique de La Flotte s’appuie sur plusieurs secteurs que l’on souhaite absolument mettre en avant. A La Flotte nous n’avons pas de pistes cyclables, ni de longues plages, nous axons notre politique sur les évènements culturels, sur la mise en valeur du patrimoine et bien sûr l’environnement est primordial, un atout que nous développons et travaillons de plusieurs façons, pour tout à la fois le préserver et le valoriser.
La Flotte est la seule commune de l’île à protéger et surveiller ses espaces naturels grâce à une brigade équestre composée de trois gardes-champêtres aux larges prérogatives*. Ils ont notamment suivi une formation de la Garde Républicaine aux techniques policières à cheval.
Nous le faisons en partenariat étroit et de façon intelligente avec le Département, en attendant que celui-ci lance la démarche de PAEN** que j’appelle de mes voeux, dans laquelle la commune de Rivedoux s’associe à La Flotte et qui semble intéresser celle de Sainte-Marie. On pourrait avoir un PAEN pour tout le sud de l’île, le nord étant en zone RAMSAR***.
Le Département s’est rapproché de la Communauté de Communes, puisque même s’il y a plusieurs façons de mettre en place un PAEN, en général le Conseil départemental est porteur de la démarche en partenariat avec la collectivité ayant la compétence des documents d’urbanisme, en l’occurrence la CdC avec son PLUI (Plan local d’Urbanisme intercommunal). On a un peu de mal à faire avancer le dossier, la CdC n’étant jamais favorable aux initiatives de la commune de La Flotte (voir les logements sociaux de La Maladrerie, la REUT (Réutilisation des eaux usées) ou encore le rachat du terrain de camping du GCU pour y loger les saisonniers) mais cela se fera tôt ou tard.
Qu’est-ce qui vous motive et vous guide dans vos actions en faveur de l’environnement ?
J’ai deux phares, deux personnes référentes sur l’île de Ré en matière environnementale. Léon Gendre, mon prédécesseur, sur la préservation de l’environnement et Michel Pelletier sur le maintien des activités primaires. Je travaille sur la base de leurs visions, que j’intègre à ma propre vision et façon d’appréhender l’environnement. Environnement et activités primaires guident notre politique à La Flotte.
Je suis un terrien, un paysan, profondément attaché à ce territoire, comme Léon Gendre, nos origines viennent de la terre. Nous sommes marqués par notre côté paysan. A 67 ans et 88 ans, à part l’âge, il n’y a pas grand-chose qui nous différencie, sinon bien sûr aussi le contexte qui a évolué.
Mon objectif est de trouver un équilibre harmonieux entre espaces urbain et extérieur, on ne doit pas uniquement privilégier l’urbain mais l’ensemble de notre territoire : rues, poumons verts, paysages, espaces ouverts, espaces agricoles, espaces naturels sensibles…
Pour mener ce projet ambitieux, il nous faut avoir la maîtrise foncière, disposer d’espaces et optimiser ce qui existe. Tout est lié, il faut avoir une réflexion d’ensemble et prospective.
Par exemple, il faut voir si la protection des côtes vers La Maladrerie est possible et souhaitable, et s’il faut reculer, alors il faudra dans le PLUi agrandir la zone ostréicole vers l’arrière… Cela se réfléchit au plan global et s’anticipe…
Vous avez mis en place une politique active d’acquisition et échange de terrains avec le Département, avec quel objectif ?
Le Département achète avec l’écotaxe des terrains en zone agricole, nous les échangeons contre des terrains en espaces naturels sensibles. Également nous avons ainsi récupéré des espaces verts en zone urbanisée, que nous entretenons, pour en faire des « poumons verts » à l’intérieur du village.
Comme nous l’avons fait en zone ostréicole, nous souhaitons favoriser l’implantation de jeunes agriculteurs sur la commune. Il y a deux sortes de sites, les espaces urbains et ceux périurbains qui se décomposent en espaces agricoles et en espaces naturels sensibles (ENS). Les activités agricoles participent à la préservation de l’environnement, des paysages et de la biodiversité. Elles permettent de maintenir des espaces ouverts en dehors de l’urbanisation, en périphérie du village. L’environnement ne doit pas empêcher les activités agricoles, pourvu qu’elles soient extensives et non intensives.
La protection de l’environnement concerne bien sûr les sites protégés mais aussi d’autres espaces à entretenir à l’intérieur du village. Bois des Courans, bois de La Grainetière, verger communal, refuges LPO… les habitants profitent de ces espaces, qui permettent aussi de les sensibiliser à la préservation de l’environnement et au respect de la biodiversité.
En début de mandat, dès 2021, nous avons nettoyé l’ancienne décharge des Caillotières, située en face de La Croix Michaud. Le Département l’entretient une fois par an et on a souhaité maintenir un espace ouvert, pour favoriser la diversité paysagère.
Vous portez une attention particulière aux espaces verts et de respiration à l’intérieur de la commune…
Le verger communal de trente-cinq arbres fruitiers, inauguré en juin 2023, offre une transition douce entre le coeur du village et la zone artisanale et commerciale. Plus de cent cinquante arbres ont été plantés partout sur la commune, les réaménagements de voirie ont été pensés dans une logique écologique (récupération des eaux de ruissellement par des noues, désinperméabilisation des sols, revégétalisation, parkings paysagers en terre armée…). Ainsi en est-il du cours Chauffour, tout comme du mail de Philippsburg, offrant désormais une toute autre perspective d’entrée de village.
Depuis que nous avons aménagé le cours Chauffour avec non seulement la récupération des eaux de ruissellement par des noues permettant l’infiltration et la rétention mais aussi dessiné le cheminement piéton sous les arbres (avant c’étaient les voitures qui en profitaient !), les habitants apprécient cette promenade ombragée.
L’aménagement de la rue de La Maladrerie en chaussée partagée avec des accotements végétalisés et la récupération des eaux de pluie dans des tranchées drainantes est à cet égard exemplaire.
Pour le « Bois aux chats » vers le village de La Maladrerie, nous avons acheté des terrains et nous l’entretenons, alors qu’il était voué à disparaître, il abrite le Chatipi, autre réalisation innovante sur l’île.
La création des espaces du refuge LPO de La Grainetière a aussi énormément avancé, il sera inauguré à la rentrée. Une réflexion est en cours pour la mise en place d’un second Refuge LPO, au Clos Biret.
Le refuge LPO de La Grainetière s’étend sur 7 ha, sur la propriété de la Fondation Taittinger gérée par la Ville de Reims (colonie de vacances) et sur des parcelles communales et départementales. Il est riche d’une très grande biodiversité.
La LPO y a recensé une trentaine d’espèces d’oiseaux d’arbres, cent soixante-dix-sept espèces d’insectes, et un inventaire des champignons est en cours, ainsi qu’un inventaire botanique réalisé par Ré Nature Environnement.
Aujourd’hui, parmi les actions déjà menées figurent des fauches, permettant de préserver certaines espèces qui vivent en milieux ouverts, l’élaboration d’un parcours avec quatre entrées indiquées par des ganivelles, un chemin matérialisé avec beaucoup de légereté. Des actions de sensibilisation à l’environnement seront menées auprès de différents publics, dont les enfants.
Nous aimerions aussi créer des jardins familiaux qui seraient gérés via une association et seraient situés à l’entrée de la commune, non loin des espaces cultivés (fleurs comestibles, maraîchage, etc.)…
Dans le prochain PLUi nous souhaitons inscrire l’espace boisé des Courans en usage de « parc public », situé en zone naturelle remarquable et que la mairie entretiendra. Nous y aménagerons des cheminements simples. De tels espaces verts publics sont des lieux de sérénité, apaisants, et nous avons besoin de créer des espaces de verdure au regard du dérèglement climatique.
Votre politique concerne tous les âges de la population, y compris les enfants
Oui la municipalité a souhaité transformer également les cours de récréation en créant des îlots de fraîcheur, favorables au bien-être des enfants. Ceux-ci peuvent évoluer dans des espaces verts, permettant de les sensibiliser au respect de l’environnement et favorisant les interactions sociales.
Ainsi, la cour de l’école élémentaire est-elle la première à bénéficier d’une telle requalification sur une surface de 545 m2. Arbres et massifs d’arbustes, plantées de vivaces, espaces enherbés, pavés, rondins de bois, pas japonais, noues de récupération des eaux des toiture, mais aussi bancs et tables en bois avec abri, toile d’ombrage, parcours légionnaire, mâts d’écureuil, échelle de suspension inclinée, toboggan… composent un espace naturel et ludique fort apprécié des enfants.
Les abords des écoles ont été végétalisés, avec de nombreuses plantations d’arbres et la création de noues naturelles. Et la cour de l’école maternelle bénéficiera prochainement, elle aussi, d’un îlot de verdure.
La gestion de l’eau et celle des déchets sont récurrentes dans vos propos, au-delà de la CdC chaque commune est concernée ?
Oui La Flotte est exemplaire en matière de REUT (Réutilisation des eaux usées traitées) et la requalification du site de l’ancienne Fosse Chevalier sera l’aboutissement de notre démarche, le jour où elle aboutira, mais nos différents partenaires incontournables sur ce dossier ne sont pas encore mûrs.
La gestion de l’eau et celle des déchets vont devenir de grosses préoccupations pour les collectivités et on doit obliger les gens à faire d’importants efforts en la matière. L’eau est une ressource de plus en plus consommée, difficile à se procurer et sa qualité est essentielle, avec notamment la présence des polluants éternels. On en dispose de moins en moins et on a de plus en plus de besoins, il est indispensable de l’économiser.
A La Flotte on mène une politique environnementale de récupération des eaux usées que l’on traite, on en réutilise de 22 000 m3 à 38 000 m3 pour l’irrigation des terres cultivées et le nettoyage des espaces publics. D’ici à la rentrée 2025, une fois les canalisations vers Bel Air installées, l’arrosage du stade de rugby sera aussi réalisé avec ces eaux traitées. Mais une partie importante des eaux usées traitées repart à la mer, c’est un contresens d’apporter de l’eau douce en milieu marin. Mon projet est de créer une grande réserve d’eau à la place de l’ancienne déposante Chevalier. On est dans l’un des quatre massifs forestiers les plus à risque d’incendie en Charente- Maritime, d’ailleurs les anciens se souviennent des 100 ha qui ont brûlé dans le passé. L’idée est d’amener l’eau de la station là-bas via une canalisation, ce sera facile car il suffit de suivre le tracé de la ligne de haute tension, en déboisant, le chemin est tout tracé. Contrairement à ce que l’on a pu parfois entendre, le site de l’ancienne déposante Chevalier n’est pas lourdement pollué, il n’existe pas de métaux lourds sur l’île de Ré, mais seulement des déchets humains. Canalisation, analyses, étude d’impact environnemental, tout cela va coûter de l’argent, pour l’instant on a des choses plus prioritaires pour La Flotte, la protection de la biodiversité en fait partie.
On aimerait aussi à terme utiliser ces eaux usées traitées pour recharger la nappe phréatique, une étude a été lancée par la CdC confiée au BRGM. Laissons travailler la CdC…
Le mot de la fin ?
Nous n’avons pas évoqué l’éclairage public désormais entièrement constitué de LED et de l’extinction nocturne (de minuit à 6h du matin) mise en place depuis septembre 2023, qui favorisent les économies d’énergie mais aussi la biodiversité. Nous avons aussi mis en place un permis de végétaliser, qui encadre les plantations sur les espaces publics, et une plage « sans tabac »…
A La Flotte, le développement durable n’est pas un simple effet de style, il consiste à intégrer de façon équilibrée préservation environnementale, développement des activités économiques et bien-être des habitants et visiteurs. Il est au coeur de la politique municipale, beaucoup a été fait, de beaux projets sont à venir…
*Lire notre article paru en août 2024 : www.realahune.fr/les-gardes-champetres-aucoeur- des-espaces-naturels/
** PAEN : Périmètre de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains. Lire notre article paru en juin 2023 : www.realahune.fr/vers-la-creation-dun-paen/
***RAMSAR : Traité de protection de l’environnement relatif aux zones humides d’importance internationale.


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