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Gaby, femme pilote chez Dragon 17
En France, dans la sécurité civile, on ne compte que deux femmes pilotes d’hélicoptère, l’une d’elle vit à La Flotte.

Depuis 1963, date de la création de la base Dragon 17* sur l’aéroport La Rochelle-île de Ré, l’hélicoptère de la Sécurité Civile se tient prêt à décoller 24h sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an pour partir en mission. À son bord, pour se tenir prêt à décoller, obligatoirement un binôme est formé d’un pilote et d’un MOB (mécanicien opérateur de bord).
Actuellement en France, la Sécurité Civile compte cent hommes et seulement deux femmes pour oeuvrer au pilotage de l’hélicoptère EC145**. Depuis plus de 60 ans dans la base rochelaise, plus d’une vingtaine de pilotes se sont succédé aux commandes de ce célèbre hélicoptère rouge et jaune, aucune femme n’avait encore occupé ce poste dans cette base, mais depuis le 7 juillet 2023, Gabrielle Berthe est venue changer la donne.
Gabrielle dit Gaby, est pilote d’hélicoptère pour la Sécurité Civile, un métier au service du secours aérien qu’elle exerce avec conviction, engagement, passion, humilité et discrétion.
Pour Ré à La Hune, Gabrielle a accepté de répondre à quelques questions tout en faisant le choix d’une communication portée surtout sur son métier passion et certainement pas sur les missions auxquelles elle a participé qui ont fait les titres de l’actualité récente. Gabrielle insiste, Dragon 17, c’est avant tout une équipe de quatre pilotes dont elle fait partie avec Philippe, Dominique et Thomas et de 4 MOB, Davy, Christophe, Stephane et Loïc qui oeuvrent à porter secours sans autre distinction.
Ré à la Hune : Comment est née votre vocation de pilote d’hélicoptère ?
Gabrielle Berthe : Engagée dans l’Armée de l’air à 19 ans à Salon de Provence, j’ai fait mon premier vol en hélicoptère en passager, ça m’a tout de suite plu. Quand j’ai été acceptée comme pilote dans l’armée de l’air, j’avais le choix entre devenir pilote de chasse, pilote de transport ou pilote d’hélicoptère, j’ai essayé les trois, mais en montant dans un hélicoptère j’ai senti que c’était vraiment cela que je voulais faire. Ce premier vol en hélicoptère a changé ma vie. J’ai eu un sentiment de liberté immense. Les missions en hélico étaient plus belles, elles étaient tournées vers les autres, elles avaient un sens. Travailler les uns avec les autres, en équipage, chacun avec ses spécificités et avec une forme d’expertise mise en commun pour réaliser des missions de secours, c’est vraiment ça qui m’a plu. J’ai été brevetée pilote d’hélicoptère à 22 ans et commandant de bord à 25 ans.
Pourquoi l’hélicoptère ?
La machine permet de faire du vol en stationnaire, de se poser à peu près partout, l’hélicoptère permet de voler dans des conditions parfois très dégradées. En fait c’est une machine très moderne, très technologique avec une avionique performante qui paradoxalement nous lie au rythme de la nature, de la météo, des marées pour exercer notre métier.
Comment devient-on pilote d’hélicoptère dans la Sécurité Civile ?
Les pilotes d’hélicoptères de la Sécurité Civile sont des pilotes en seconde partie de carrière, c’est une reconversion. Un gros pourcentage vient de l’armée, ce qui est mon cas, je viens de l’armée de l’air, ensuite j’ai fait une petite partie de ma carrière dans le monde civil à Tahiti Hélicoptère ce qui m’a donné une autre expérience et qui a enrichi mon CV pour pouvoir entrer dans la sécurité civile où je suis arrivée en 2021 après quasiment 20 ans de pilotage. En 2023, un poste de pilote se libérait à La Rochelle.
Quelles sont les qualités pour être pilote dans la Sécurité Civile ?
C’est une bonne question, la première c’est d’avoir un bon relationnel. Avoir une capacité à bien s’entendre avec tout le monde, apprendre à communiquer dans les moments qui peuvent être stressants avant et pendant les vols. Avec le MOB et avec les différents partenaires de nos missions, les pompiers, les personnels du SAMU et aussi avec les victimes et leurs familles qui peuvent être sur place quand nous intervenons. Il faut savoir garder de la distance tout en ayant de l’empathie pour la victime, c’est un exercice difficile. Il faut avoir une capacité d’adaptation en toutes situations, sur terre, en mer et en vol. Savoir prendre rapidement une décision en conscience pour tout l’équipage et tous les personnels au sol pour ne pas les mettre en danger. Quand on est commandant de bord on a des responsabilités. Il faut être passionné par ce que l’on fait et ne pas être une tête brûlée, le seul intérêt de nos missions, c’est la victime. Savoir dire non à une mission pour ne pas mettre les gens en danger plus qu’ils ne le sont. Réfléchir avec le médecin à la meilleure évacuation pour la victime pour veiller à ce que les conditions soient optimum pour elle, les soignants et l’équipage.
Il y a sûrement une part d’adrénaline forte dans l’exercice de ce métier ?
Oui effectivement, quand on se lève le matin pour aller tenir une alerte***, c’est plaisant de ne pas savoir ce que l’on va faire, quelles missions nous attendent, ça c’est déjà de l’adrénaline. Mais on ne va pas la chercher, ce n’est pas le but. Plus que l’adrénaline, j’évoquerai surtout ces moments émouvants, lorsque par exemple nous survolons des paysages magnifiés par un lever de soleil ou coucher de soleil que nous offrent les vols.
Qu’est-ce que vous répondez aux détracteurs sur l’impact écologique de l’hélicoptère ?
On parle beaucoup d’écologie et il est nécessaire de répondre à ceux qui sont inquiets sur une utilisation abusive de l’hélicoptère. Je vais prêcher pour ma paroisse mais je répondrai que premièrement, si c’était quelqu’un de leur famille, ne seraient-ils pas contents qu’un hélico vienne chercher cette personne à qui ils tiennent plutôt qu’un autre moyen de transport qui serait plus lent pour les mettre en sécurité et les soigner ? Et soyons conscients que nos donneurs d’ordre utilisent l’hélico de façon très pragmatique, quand nous sommes appelés ce n’est pas pour le plaisir, c’est pour une extraction ou assistance d’urgence. En dehors du secours à la personne nous avons d’autres missions, comme par exemple la lutte anti-feu et celle de prévention avec les vols marées.
Le coeur de notre métier, c’est de porter secours, la devise de la sécurité civile c’est « servir pour secourir ».
Votre métier est-il accessible facilement aux femmes ?
J’aimerais souligner que mon métier est accessible, que si les femmes ne sont pas nombreuses à l’exercer ce n’est pas un problème de compétence mais de candidature. Il y a peut-être peu de jeunes filles qui osent franchir le pas. Je l’ai constaté lors des visites scolaires collèges et lycées à la Base, elles me posent toujours cette question sur la crainte de ne pas pouvoir réussir à la fois une vie professionnelle exaltante et une vie de famille. Alors oui, il faut oser, il faut avoir de l’audace ! On peut avoir un métier passion et une vie de famille.
Quels sont vos loisirs préférés ?
En dehors de voler, j’aime naviguer. J’ai la passion de la mer et c’est bien pour cela que j’ai choisi de venir vivre sur l’île de Ré, à La Flotte. J’ai mes petits coins préférés ici, Trousse Chemise, le banc du Bûcheron et quelques autres que je ne dévoilerai pas. J’ai beaucoup navigué sur toutes les îles où j’ai vécu. J’adore aussi la plongée sous-marine qui m’apporte elle aussi ce sentiment de liberté et de communion avec les éléments plus forts que nous.
Sauveteur un jour, sauveteur toujours
Pilote sauveteur à la sécurité civile, certainement mue par cet appel profond au secours d’autrui, Gabrielle sait offrir un peu de son temps à la SNSM, comme si le sauvetage était inscrit dans son ADN. Alors, quand son métier lui laisse suffisamment de temps libre, que sa fille est à l’école ou avec son papa, Gabrielle donne de son temps à la SNSM où elle est bénévole. Elle fait partie de la SNSM île de Ré et est ravie d’avoir été acceptée dans le groupe.
Et si à notre tour on apportait de l’aide à Gabrielle ?
Depuis plus de deux ans elle loue à La Flotte une maison qu’elle doit libérer chaque été pour les locations estivales. Gabrielle aimerait bien trouver un logement avec trois chambres et un petit jardin à l’année sans être obligée de plier bagages en juillet et août… L’appel est lancé !
*Dragon 17 : le numéro correspond au département d’implantation. **La sécurité civile s’est dotée d’une nouvelle version, le H145, la base rochelaise accueillera son nouvel hélico courant 2026 ***On parle d’alerte pour la sécurité civile, chez les médecins on utilise le terme garde.

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