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Frédéric Johan, chef de culture pour Sagiterres
A 42 ans, ce Breton, né dans une famille d’agriculteurs et ayant choisi une voie technico-commerciale, s’est reconverti pour se rapprocher de la terre et a eu l’opportunité de rejoindre la coopérative Uniré, comme chef de culture pour sa filiale Sagiterres.
Sagiterres, une activité méconnue d’Uniré
A l’instar de ce qu’il se pratique déjà sur d’autres territoires, la coopérative Uniré s’est engagée dans un nouveau type d’action permettant à la fois aux jeunes agriculteurs de s’installer et de préserver la surface des terres cultivées en vignes et en pommes de terre dans l’île. C’est ainsi que la société civile Sagiterres (Société pour l’Acquisition et la Gestion Immobilière de terres agricoles), dont le capital est détenu à 99 % par Uniré et à 1% par le président d’Uniré, Jean-Jacques Enet, a vu le jour, en décembre 2013, dans le but de racheter (ou louer) les parcelles en abandon et ne pas perdre les droits de plantation de vignes (lire encadré). Sur les 14 ha détenus par Sagiterres, 8 ha sont plantés avec différents cépages, essentiellement des jeunes vignes travaillées en conversion biologique et dont certaines parcelles sont déjà converties en AB. Le reste des terres est pour le moment nu ou cultivé avec des couverts végétaux permettant d’y apporter protection de la vie biologique, apport de matières organiques et amélioration de la structure du sol. Le but ultime est de les mettre à disposition de jeunes désirant s’installer, sous forme de fermage, les dispensant ainsi du gros investissement de départ. Le bail de 9 ans, reconductible, peut déboucher sur une acquisition.
Sagiterres a également investi dans du matériel agricole avec l’achat d’un tracteur et d’un pulvérisateur avec panneaux récupérateurs.
Un nouveau métier
Pour travailler au mieux toutes ces parcelles, Frédéric Johan est devenu, il y a un an, chef de culture pour Sagiterres. Il veille au bon développement de la vigne en collaboration avec Jérôme Poulard, ingénieur agronome d’Uniré. Nous l’avons rencontré au milieu des vignes, entre Sainte-Marie et Rivedoux, la veille du début des vendanges 2024. Ses secondes vendanges pour Sagiterres.
Originaire du Nord-Ouest de la Bretagne, issu d’une famille d’agriculteurs et de cultivateurs, il a participé à la vie de la ferme de ses parents, quand il était jeune, et connaît évidemment bien le milieu agricole. Un BTS force de vente en poche, il décide de s’orienter vers le métier de technico-commercial, en produits d’élevage, de culture, puis devient responsable de magasin de bricolage et approvisionnement agricole et de jardinage. La terre lui manque et il souhaite revenir vers un métier d’accompagnement des agriculteurs : il décide de reprendre des études et passe en deux ans un BTS en gestion d’une exploitation agricole à l’Ecole Supérieure des Agricultures (ESA) d’Angers. Les hasards de la vie lui feront rencontrer Jérôme Poulard, qui lui propose de venir faire un stage de quelques jours à Uniré. La rencontre entre Frédéric Johan et la coopérative se passe au mieux, c’est ainsi qu’il rejoint Le Bois-Plage en Ré, avec sa femme et ses trois enfants, en fin d’été 2023, et participe ainsi à ses premières vendanges sur les vignes détenues par Sagiterres.
Accompagné par Uniré et par les agriculteurs rétais
Tous les matins il passe par la coopérative où il peut échanger avec les services techniques, il rencontre aussi les agriculteurs de Sainte-Marie de Ré via la CUMA (Coopérative d’utilisation de matériel agricole), tous lui dispensent de précieux conseils quant aux techniques de travail de la vigne : palissage, taille tout l’hiver, entretien du sol, traitements contre les maladies, végétalisation au printemps, font partie de son travail quotidien dans des vignes bio ou en conversion bio, en dehors de la période de vendanges. Alors que ces dernières années la date de démarrage des vendanges était de plus en plus précoce (fin août), en 2024 les vendanges n’ont commencé que le jeudi 12 septembre. « C’est lié bien sûr à la météo pluvieuse, au moindre ensoleillement et aux températures plus fraîches, on revient cette année aux périodes de vendanges d’il y a plusieurs années. », explique Frédéric Johan. « Toute la France est concernée, dans le sud du pays ils ont commencé les vendanges il y a à peine quinze jours. » Les parcelles Sagiterres produisent des cépages pour les vins de pays blancs, rouges, rosés et le Cognac. Elles permettent aussi à Uniré de répondre à la demande (lire encadré).
« Je suis très content de mon choix, j’ai le sentiment d’être à ma place, ici sur l’île de Ré. J’ai beaucoup, beaucoup de travail, j’aime être en contact avec la terre, être seul au milieu des vignes mais aussi être accompagné par les anciens. Ce métier exige évidemment d’aimer le travail en extérieur et d’être autonome, organisé, rigoureux. Le travail est physique, la pression de la maladie des vignes (mildiou) est importante, il faut être réactif et comme on est en bio ou conversion bio on agit en préventif, il faut aller souvent dans les vignes pour les protéger, on travaille à microdoses et avec des pulvérisateurs à panneaux récupérateurs. »
Sagiterres devrait embaucher une seconde personne pour l’aider : « Un tractoriste, quelqu’un de polyvalent, ayant des notions de mécanique, pour m’accompagner dans le travail des vignes. »
Vers un nouveau statut des viticulteurs ?
Se dirige-t-on vers un système d’agriculteurs salariés, évolution que l’on constate dans de nombreux métiers ? « Cette évolution professionnelle me permet de voler de mes propres ailes, tout en ayant la sécurité qu’apporte la coopérative, un salaire, des vacances. Après vingt ans de carrière, on m’a donné ma chance, Sagiterres est précurseur. J’apprends beaucoup, tous me donnent de précieux conseils, chaque environnement est différent, la typicité de la terre de chaque cépage nécessite d’adapter notre travail. Nos nouvelles générations travaillent différemment le sol, avec du couvert végétal, nous entretenons la biodiversité dans cet environnement rétais ultraprotégé. L’aspect sauvage de l’île de Ré m’a tout de suite plu, elle est un vrai laboratoire et la présence de nombreux touristes permet aussi d’expliquer ce que l’on fait, nos bonnes pratiques, de parler de notre métier… »
Ce statut de viticulteur salarié devrait, on l’imagine, se développer, avec les départs d’agriculteurs non remplacés, pouvant être attractif pour des jeunes souhaitant travailler la terre sans subir les risques du métier. Il peut aussi constituer une étape intermédiaire, avant une installation à son compte…
Ré à la Hune souhaite de belles vendanges aux vignerons de l’île de Ré.
Si Sagiterres est en veille permanente sur les opportunités de rachat, afin d’étendre ce système, « elle n’a pas vocation à marchander ni surenchérir sur les prix des terrains, les terres nues sont rachetées à un prix prédéterminé, pour les vignes il est tenu compte de leur âge, sur la base unitaire de 15 à 18 000 €, est appliqué un amortissement sur 30 ans, intégrant la décote de la vigne. La population des agriculteurs vieillissante permet de tabler sur dix à quinze départs (au-delà de 65 ans) dans les dix prochaines années. Certaines coopératives en France, qui ont développé ce système depuis plusieurs années, détiennent près de la moitié de la superficie agricole de leur territoire… », nous expliquaient les dirigeants d’Uniré, lors de la création de Sagiterres.
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