Environnement

Actions juridiques et judiciaires

Eolien en mer : une rafale de recours

© philbar
Publié le 06/12/2022

Ré à la Hune a interrogé Dominique Chevillon, acteur informé au titre de ses nombreux engagements environnementalistes, pour faire le point sur les recours en cours devant l’Etat, le Conseil d’Etat et la Commission Européenne, notamment.

Ré à la Hune : Que savez-vous des recours qui tombent nombreux en cette fin d’année sur le projet de zone éolienne industrielle d’Oléron ?

Dominique Chevillon : Les mêmes causes produisent les mêmes effets puisque l’État par son Gouvernement persiste dans la violation des trois Directives européennes Oiseaux, Habitats, Planification des activités en mer. Son recul à trois reprises sur les lieux d’implantat ion des éoliennes – la nouvelle zone décidée par la seule Ministre Pannier-Runacher est la 4ème localisation – atteste de l’embarras d’un État qui s’entête.

Les lieux changent mais présentent les mêmes incompatibilités dans des sites connus et reconnus pour leurs grandes richesses biologiques et économiques pour la pêche. Cela donne aux opposants, qui sont très majoritaires (voir le Débat Public qui le confirme) de solides arguments contre l’emplacement de cette zone industrielle en Natura 2000, sur des tracés migratoires, etc. A cet égard, la sortie du Parc Naturel Marin, qui a été obtenue par les opposants avec l’aide des collectivités publiques, ne change absolument rien.

Ainsi se met en place une vraie stratégie d’actions en justice contre les projets du seul État, la localisation de ces projets n’ayant jamais été partagée avec les collectivités territoriales, ni avec aucun acteur du territoire.

Quels sont les types d’actions lancées ou prévues ?

Le premier type de recours est le recours gracieux qui demande à l’État de renoncer à la localisation imposée par la Ministre : dix-sept organisations ont déposé un recours gracieux. Dont une Commune, Saint- Pierre d’Oléron, et une organisation professionnelle, le Comité Régional des Pêches de Nouvelle Aquitaine…

Le deuxième type d’action judiciaire est une action au fond devant le Conseil d’État, par Nature Environnement 17 qui a décidé à l’unanimité de son Conseil d’Administration, mercredi 30 novembre, de faire un contentieux à la décision ministérielle de localisation des projets d’Oléron. Les avocats sont saisis. Et Oléron Nature Environnement a saisi le Tribunal Administratif de Paris, la semaine dernière. Il est vraisemblable que d’autres organisations vont faire de même.

Le troisième type d’action est une plainte portée à la Commission Européenne par différentes organisations. Oléron Nature Environnement a ouvert le feu la première, puisque sa plainte a été déposée la semaine dernière. A ma connaissance il y a de nombreuses plaintes en cours devant la Commission Européenne, déposées par des associations et organisations diverses. L’objectif est d’informer la Commission Européenne des contestations documentées, argumentées contre ce projet de l’État pour ouvrir une procédure d’infraction contre la France pour violation des trois Directives Européennes concernées.

Le quatrième type d’action en cours vise, à l’initiative de citoyens, à déposer des plaintes devant la Commission Européenne pour les mêmes motifs que précédemment énoncés.

Il s’agit donc d’un « bouquet » d’actions juridiques et judiciaires qui est constitué par les opposants ? Et la LPO que fait-elle ?

C’est exactement cela. Et la LPO, par exemple, qui a voté par son Bureau un contentieux au fond contre ces projets industriels d’Oléron et autres, va rajouter un autre type d’action, plus lourde, devant les juridictions.

Êtes-vous optimiste sur le renoncement de l’État à cette localisation de zone éolienne industrielle au large de nos côtes ?

Optimiste, avec les nombreux errements de l’État, non. Réaliste par contre sur le fait que ces projets à horizon dix ans, à coûts inconnus, à approvisionnements inconnus dans le contexte international actuel, à technologies inconnues (les projets sont des prototypes), et non des ouvrages industriels maîtrisés, et à risques juridiques inconnus, présentent de fortes et vraies incertitudes, aléas qu’il faudra lever et surmonter. L’Etat et surtout les industriels qui vont s’y aventurer devront être très solides. Je ne suis pas certain qu’ils soient en capacité de franchir le cap. Ne serait que ce sur le plan politique. Car indépendamment du « combat » des opposants contre la localisation de ces projets industriels en zone protégée, l’éolien commence à perdre de sa superbe. Il double les coûts de production de l’énergie produite compte-tenu de son intermittence congénitale. Sans gaz russe ? Avec les centrales à charbon qu’on est en train de ré-ouvrir comme à Saint-Avold dans l’Est de la France ? A quel coût ? Ce coût sera-t-il supportable ? Accepté par les populations ?

A cet égard les annonces de suppression de 4000 emplois en Europe par Général Électric et d’autres acteurs majeurs sont édifiantes. Un retournement de tendance est en cours, c’est aussi, une autre donne que devront maitriser les peu nombreux acteurs favorables à ces projets.

Propos recueillis par Nathalie Vauchez

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Vos réactions

  • anti fake-news
    Publié le 13 décembre 2022

    Depuis des mois votre média se crispe dans une diatribe anti-éolienne avec toujours les mêmes interlocuteurs dont les propos sur le modèle économique de l’éolien nous amènent à se demander s’il n’y a pas confusion avec les déboires du nucléaire, ou bien si le contexte n’est pas regardé par le mauvais côté de la lorgnette.
    L’interviewé nous pronostique un naufrage de ce projet éolien en se calquant sur le désastre de la filière nucléaire ! il nous parle de coûts inconnus, d’un approvisionnement incertain, de technologies mal maîtrisées, de risques juridiques, de fragilités financières, puis enchaîne sur la sempiternelle tarte à la crème de l’intermittence ! et évidemment le retour du charbon est de la fête !
    Tout ceci est imaginaire ou amplifié dans des proportions fallacieuses. Les parcs éoliens offshore existent depuis plus de 10 ans en mer du Nord, la technologie est mature et le néodyme n’est pas nécessaire de même que les anodes sacrificielles peuvent être remplacées par la technique du courant imposé. L’approvisionnement en matériaux est le même que pour la fabrication d’autres biens industriels avec ici un rendement d’échelle croissant permettant de mieux valoriser les matières employées. Les risques juridiques sont cadrés par les législations applicables et la supervision de l’Etat ; quant au risque financier, il est très limité en raison de l’assise financière des développeurs et sans commune mesure avec les conséquences d’un accident nucléaire majeur qui se chiffreraient en centaines de milliards d’euros.
    L’intérêt de l’offshore est une meilleure production avec un fort taux de charge. Il est alors possible de réduire le stockage associé et de produire une électricité à 45 euros le MWh tandis que le nouveau nucléaire l’est à 100 euros et celui prévu pour les SMR à 250 euros. Quant au charbon, il est consternant d’attribuer son retour à l’inefficacité des énergies renouvelables alors que celles-ci sont entravées dans leur développement et que son recours est la conséquence des multiples défaillances de nos centrales nucléaires !
    Le comble de l’ironie est que toute cette tirade anti-éolienne colle tout à fait à la réalité du nucléaire qui est une technologie hors de prix, un EPR à Flamanville qui après 10 ans de travaux et une multiplication par 6 du prix initial n’est toujours pas finalisé, des centrales vulnérable, fragiles et dangereuses ; des combustibles que nous importons en totalité, notamment de Russie ; un endettement d’EDF de plus de 50 milliards d’euros et un mur d’investissements à venir que le contribuable va devoir financer ; des déchets qui s’accumulent dangereusement et des piscines de refroidissement saturées, des déchets stockés et à gérer pour 100 000 ans sans garantie de sécurité, des coûts de sûreté croissants …..et cerise sur le gâteau un centre de stockage à Bure qui en plus de ne rien produire, nécessite 300 km de galeries, 14,4 millions de tonnes de béton et l’équivalent de 27 tours Eiffel pour le ferraillage
    Pour ce parc d’Oléron, l’Etat a tiré la leçon du dialogue, sa proposition est raisonnable, le cahier des charges aura vocation à encadrer la prise en compte des externalités environnementales et de les réduire a minima, et certains gains sont même à prendre en compte ; mais selon l’interviewé, 40 km ce n’est pas assez, et de toute façon ce ne sera jamais assez.

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