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Des tombes de Vikings sur l’île de Ré ?
Les archéologues de l’Inrap viennent de mettre à jour, sur le terrain d’un particulier à La Flotte, des sépultures très anciennes de l’époque carolingienne ( VIIIe-Xe siècle). La découverte dans cinq tombes d’objets atypiques pourrait accréditer la piste d’une population originaire du nord de l’Europe.

C’est une découverte qui pourrait combler un grand vide dans la connaissance de l’Histoire de l’île de Ré. Le 10 février dernier, l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) de Poitiers, a révélé avoir mis à jour une zone funéraire comprenant 48 sépultures d’une période comprise entre les VIIIe et XVe siècle. C’est dans le cadre de fouilles archéologiques préventives, prescrites en octobre 2024 sur un terrain à construire du centre bourg de La Flotte1, que la découverte s’est produite. Le secteur, proche de l’école, était plus connu depuis les années 80 pour abriter des vestiges d’une villa gallo-romaine, d’où la surprise des archéologues qui ne s’attendaient pas à une telle trouvaille.
Moules à cloches
Les vestiges d’un bâtiment très ancien représentent la première découverte sur la parcelle de 900 m2. Les archéologues pensent immédiatement à un édifice religieux, d’autant que des textes anciens mentionnent l’existence d’un prieuré Sainte-Eulalie sur la commune de La Flotte au XIVe siècle. La mise à jour de trois fours à cloches du XIIIe siècle est venue conforter cette hypothèse. La découverte des « moules » ayant servi à couler les cloches est en soi une véritable satisfaction pour les archéologues « Pour la période médiévale, on n’en connait vraiment pas beaucoup », se félicite Annie Bolle, responsable des fouilles à l’Inrap.
En fouillant la zone funéraire, les archéologues, qui ont recensé un total de 48 sépultures, n’étaient pas au bout de leurs surprises. Les plus anciennes tombes, au nombre de quinze, correspondent à l’époque carolingienne (XVIIIe-Xe siècle). Très vite, cinq sépultures suscitent la curiosité des archéologues par la présence de plusieurs objets. « C’est une première surprise car c’est excessivement rare de retrouver des objets personnels déposés dans des tombes de l’époque carolingienne », témoigne Annie Bolle.
Parmi ces objets, des parures comme ce collier (autour du cou d’une femme) composé de perles de verre, d’ambre et de bronze, ou cet homme portant un peigne en os ou bois de cervidé. Une autre femme possède un peigne déposé sur sa poitrine, ainsi que des objets ferreux posés à côté d’elle, mais qui sont trop oxydés pour qu’on puisse immédiatement les identifier. Une aiguille en os ainsi qu’une petite boucle, servant potentiellement à fermer une lanière, ont été retrouvées près d’un autre corps. Enfin, le squelette d’une femme a été exhumé avec une magnifique ceinture autour de la taille, composée de quatre éléments de décor et d’un plaquage d’argent, d’agrafes à double crochet (pour attacher une robe ?) ainsi qu’un couteau muni d’un manche en bois.
Objets nordiques
L’analyse de ces objets a révélé une seconde surprise : leur origine n’est pas locale… « Nous avons compris là que nous étions face à une découverte exceptionnelle », confie Annie Bolle. La présence de perles d’ambre ou de verre ne fait aucun doute pour les archéologues : elles proviennent des rivages de la mer du Nord et en particulier des Frisons2, une région d’où étaient originaires les fameux Vikings ! « Dans l’Ouest de la France, c’est une découverte extrêmement rare. A ma connaissance, il n’y a pas d’équivalent », se félicite Annie Bolle. De tels objets ont déjà été retrouvés, notamment à Quentovic, port marchand du nord de la France important à cette époque, mais très rarement dans des tombes.
La position atypique des cinq corps ajoute au mystère. Une des femme, allongée sur le ventre, intrigue les archéologues mais pourrait s’expliquer par une bascule du corps suite à des mouvements de terrain. Par contre, le positionnement de deux corps la tête orientée vers le sud et de deux autres sur le côté, jambes et bras repliés, semblent accréditer la thèse de coutumes lointaines. « Dans les cimetières chrétiens, la tête est à l’Ouest et les jambes sont en extension », rappelle Annie Bolle.
La restauration des objets, confiée au laboratoire nantais Arc’Antique, devrait permettre de résoudre une partie de l’énigme. L’étude de la composition de la lame du couteau et du bois du manche, des traces de tissus (matière, technique de tissage), des perles et de l’ensemble des ornements devraient préciser l’origine géographique des objets. L’analyse isotopique des dents, pourrait révéler le régime alimentaire de ces individus et donc leur origine géographique.Une analyse paléogénétique, à partir d’ADN prélevé sur les ossements, pourrait confirmer le sexe, les liens de parentés entre les individus et leur origine génétique.
Raids vikings
Quelles hypothèses peut-on avancer à ce stade ? Celle de Rétais « un peu originaux, voire farfelus » qui auraient opté pour une inhumation atypique, avec des objets nordiques récupérés dans le cadre d’échanges commerciaux ? S’il s’agit en revanche de populations « étrangères », comment ne pas penser aux Vikings ? « Tout ça est documenté, on sait que les Vikings ont mené des raids à cette époque, notamment sur Saintes et Bordeaux, en remontant par les fleuves », admet l’archéologue. Mais d’autres peuples pouvaient circuler à cette époque pour des raisons plus commerciales que belliqueuses, et on ne peut exclure la présence sur l’île de visiteurs qui se serait intégrés harmonieusement à la population locale. Cette découverte est en tout cas une aubaine pour les historiens, puisqu’on connait très peu de choses sur l’Histoire de l’île de Ré entre le IVe et le XIIe siècle3. « Après l’occupation antique, il y a un grand vide, explique Annie Bolle. On ne connait pas grandchose, mais il est fort probable que l’île de Ré était occupée ». Reste à savoir par qui…
1 – Un premier diagnostic, en 2023, avait établi la probable présence de sépultures carolingiennes, entrainant les fouilles plus poussées de fin 2024.
2 – Région du nord de l’Europe proche de l’actuel Danemark.
3 – L’installation des moines cisterciens sur l’île de Ré, au 12ème siècle, va fournir les premiers écrits historiques. Avant cette époque, seule la période gallo-romaine est relativement bien connue, grâce à la découverte de plusieurs villas et vestiges.



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