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Après la submersion, l’érosion au coeur des préoccupations
La déclaration de Fabrice Luchini* à la mi-septembre 2023 aura décidément suscité bien des moqueries. Prenant le contre-pied de ces propos « choc », Lionel Quillet, président de la CdC de l’île de Ré, et Patrick Rayton, 1er vice-président en charge du littoral, se sont attachés à présenter devant un auditoire de 400 personnes la stratégie de défense du territoire menée à l’unanimité par les élus communautaires.

Beaucoup de résidents secondaires bien sûr pour cette 1ère réunion 2025 qui se tenait à Ars-en-Ré au plus fort de l’été, mais aussi des habitants permanents soucieux de connaître l’avancée du projet de défense contre l’érosion, après les réunions publiques de l’été 2024.
Un choix politique unanime des élus rétais
Première des protections de l’île de Ré, l’urbanisation faible (20 % du territoire), même si Xynthia a rappelé que « l’Etat n’a pas fait le boulot sur l’entretien des digues pendant 70 ans ». Ne pas construire dans l’inondable, autre prise en compte du risque. Oui l’île de Ré est à risque, comme 78 % de La France à risque d’inondation – maritime ou fluviale -, sismique, nucléaire, industriel… Mais elle a pris à bras le corps une gestion intégrée de son territoire et de son littoral. Et elle a fait le choix de ne pas laisser aux communes la responsabilité de la gestion du trait de côte. Or, autant la protection contre la submersion, via la compétence Gemapienne, est une obligation de la collectivité intercommunale, autant rien ne l’oblige à prendre en charge la lutte contre l’érosion. Le président de la CdC a évoqué l’île toute proche d’Oléron, où la CdC souhaite solliciter financièrement les communes, ce qui n’est pas de leur goût.
« Sur l’île de Ré nous avons le projet, les financements (l’écotaxe va être d’une aide précieuse) et la gouvernance avec la CdC qui assure la cohérence de l’action. Il s’agit d’un choix politique fait à l’unanimité des élus. » Or, si l’Etat a largement contribué, notamment via le Fonds Barnier, au financement des travaux dits d’urgence puis du PAPI 1** (digues) et continuera, dans une moindre mesure au financement du PAPI 2 (protection des communes du nord autour du Fier d’Ars), il n’interviendra pas en matière d’érosion.
Une protection « endiguement » à 119 M€
On ne revient pas sur les travaux d’endiguement déjà réalisés (Xynthia + travaux d’urgence + PAPI 1), qui représentent 68 M€ dont 15 M€ financés par la CdC et sur ceux prévus au PAPI 2 aujourd’hui estimés – après actualisation liée aux surcoûts de 14 M€ pris en charge par la seule CdC à ce stade – à 51 M€, qui seront théoriquement financés à hauteur de 23 M€ par la CdC rétaise. Soit un plan de protection PAPI 1 + 2 à 119 M€, dont 38 M€ financés par la CdC « sans hausse de la fiscalité locale », qui fait et fera de l’île de Ré « le territoire le plus protégé de France ». Du moins à niveau Xynthia + 20 cm, « toutes nos digues sont au niveau le plus élevé possible, l’île est protégée du risque submersion ». « Le plus gros risque pour l’île de Ré n’est pas la montée des eaux liée au réchauffement climatique mais l’évènement climatique. Le zéro risque n’existe pas », a tenu à préciser Lionel Quillet, remerciant au passage le soutien politique fort de Dominique Bussereau, alors président du Département de Charente-Maritime et… une certaine Elisabeth Borne, alors ministre de l’Environnement, qui a donné in extremis son feu vert à la CMI (Commission Mixte Inondation) pour un PAPI 2 à 35 M€, alors que celle-ci s’apprêtait à le valider à 3 M€. « Pas mal pour protéger trois mille personnes, les résidents secondaires n’étant pas pris en compte par l’Etat » dans ses analyses coûts-bénéfices (ACB) !
On espère qu’à horizon 2030 la commune des Portes sera protégée, le début des travaux étant espéré pour 2027, ainsi sur la période 2011-2030, ce sont 100 M€ de travaux de digues qui auront été réalisés. Et pour les maisons en vulnérabilité, car hors zone PAPI mais en zone à risque de submersion, un plan d’action a été lancé***.
La lutte contre l’érosion, second volet de protection du littoral rétais
Si digues et enrochements représentent une protection efficace, il n’en reste pas moins qu’une partie importante de notre littoral est composée de cordons dunaires et falaises, comme l’illustre la carte ci-dessus. Autant de points faibles par lesquels peut rentrer la mer.
Ainsi, Patrick Rayton a-t-il présenté la stratégie de lutte contre l’érosion élaborée par la CdC de l’île de Ré avec ses cabinets d’études. Répondant d’emblée à ceux qui prétendent que « l’île de Ré ne s’y prend que maintenant », le 1er viceprésident de la CdC a rappelé que « voilà déjà quinze ans qu’on y travaille ». « On a mis en place un observatoire de l’évolution du trait de côte dès 2013 avec des suivis topographique, bathymétrique, du niveau d’eau et climatologique, on l’a étendu aux côtes à falaise en 2021, on a élaboré un bilan de dix années d’observations en 2023 et lancé l’élaboration de la Stratégie locale de gestion de la bande côtière (SLGBC) de l’île de Ré. Cela nous permet de bâtir un Schéma de lutte contre l’érosion à 30 ans. Il a été lancé en septembre 2024, il nous reste une étape à partir d’octobre 2025 pour clôturer ce Schéma et prioriser les cent actions qu’il prévoit et définir qui en est responsable. Ce qui veut dire que pendant 30 ans et au-delà il faudra que la CdC et les élus de l’île de Ré restent solidaires sur ce sujet. Et évidemment ce plan sera évolutif. L’intercommunalité va en assurer la gouvernance, les communes agissant au niveau de leur Plan communal de sauvegarde (PCS). » « Bien sûr, il faudra la bénédiction des services de l’Etat, qui ont demandé à la CdC de leur présenter un « projet global enrochement, réensablement, entretien » pour toute l’île de Ré ». Si la CdC de l’île de Ré est très volontariste, en fonction du statut de chaque ouvrage, il faudra définir qui de la collectivité ou du privé (particulier, entreprise… ) en endossera la maîtrise d’ouvrage ; par exemple, on sait que dans le plan de poursuite de l’activité d’Atalante (devenu Relais Thalasso île de Ré) post Xynthia il est prévu que cette entreprise assume les travaux.
Par ailleurs, dans le cadre de la révision du PLUi (Plan local d’urbanisme intercommunal) en cours jusqu’en 2029, la connaissance du risque Erosion devra être prise en compte, avec des contraintes réglementaires supplémentaires. Des relocalisations, par exemple de chemins, bâtiments ostréicoles ou commerciaux, parking… seront possibles, s’il n’y a pas de solution de lutte contre l’érosion.
Priorisation des actions
« L’ensemble des actions et leur calendrier seront présentés dans quelques mois. Ce Schéma tient compte de la sensibilité socio-économique, environnementale et patrimoniale des secteurs, celle-ci pouvant être « très forte », « forte » ou « moyenne ». » Cette carte ci-contre est explicite, les sites du Sémaphore de Saint-Clément, de Grignon et du Martray à Arsen- Ré, de l’Atalante à Sainte-Marie, de La Garenne et de La Corniche à Rivedoux-Plage sont à sensibilité très forte, donc on l’imagine aisément, prioritaires.
La « résilience adaptée »
Les modes de gestion de l’érosion côtière seront adaptés, ce que Lionel Quillet appelle « la résilience adaptée » : évolution naturelle surveillée, accompagnement des processus naturels, lutte active souple ou dure, repli stratégique. Seront différenciées l’érosion pouvant entraîner de la submersion marine et l’érosion uniquement. En fonction de chaque typologie de secteur : zone urbaine dense, zone naturelle aménagée ou zone d’activité économique, les scénarios seront identifiés, puis hiérarchisés. « On a du mal à savoir comment intervenir sur les falaises », a précisé Patrick Rayton.
La gestion de la bande côtière (études et travaux) a déjà coûté 6,1 M€ TTC entre 2013 et 2025 (financés par la CdC à hauteur de 5,7 M€) et la CdC prévoit de financer des travaux à hauteur de 1,5 M€ par an sur les dix prochaines années, soit 15 M€. Ce montant doit encore être délibéré en Conseil communautaire à la rentrée.
Si l’on cumule luttes contre la submersion et contre l’érosion, le total de la protection du littoral rétais devrait coûter 140 M€, dont 60 M€ financés par la CdC, l’équivalent de son budget annuel. Avec heureusement le principe de financement de la lutte contre l’érosion dunaire par l’écotaxe acté par les services de l’Etat.
« Bien sûr, l’Etat doit valider l’ensemble, cela passe même par la signature du Ministre, tout va se jouer dans les six mois. De même, on n’est pas à l’abri de contentieux, comme il y en a eu sur les digues. On espère réaliser les premiers travaux en 2026, on veut aller vite, on va demander aux maires de valider les cent projets à réaliser. Chaque commune aura son projet prioritaire. », a conclu Lionel Quillet, saluant « le socle phénoménal » que représente Patrick Rayton (qui ne se représente pas aux élections municipales 2026), ainsi que le travail des services de la CdC.
* « Moi, j’ai revendu ma baraque de l’île de Ré, parce que le mec m’a dit que dans douze ans, il n’y aura plus d’Île de Ré. J’ai senti qu’il fallait s’arracher. Dans douze, quinze ans, il n’y aura plus d’Île de Ré, plus de Noirmoutier, il n’y aura plus rien ! La mer va monter… », avait-il déclaré le 15 septembre 2023 dans l’émission « C à vous », sur France 5, avec toute la mesure qui le caractérise…
**PAPI : Plan d’actions de prévention des inondations
***Lire notre récent article paru dans Ré à la Hune 304 : www.realahune.fr/maisons-vulnerables-sepremunir- contre-les-inondations/
Une 2ème réunion publique « Stratégie de lutte contre l’érosion » se tiendra mardi 23 septembre à 18h30 salle des Paradis, à Sainte-Marie de Ré.

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