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«4211 km» et l’Iran font escale à La Maline
«!4211 km! », c’est la distance entre Paris et Téhéran. C’est aussi le titre de la pièce écrite par Aïla Navidi en 2021 et primée aux Molières en 2024.
Cette auteure, fille d’exilés iraniens née en France, y raconte l’histoire de sa famille mais aussi son propre parcours, à cheval entre deux mondes, afin de toucher l’universel en chacun de nous.
Ré à la Hune : 4211, c’est donc le nombre de kilomètres qu’ont parcouru vos parents quand ils ont quitté Téhéran pour rejoindre Paris. Quelle est leur histoire ?
Aïla Navidi : Mes parents sont partis d’Iran au début des années 1980. Ils étaient des étudiants engagés et avaient participé aux premières émeutes de la révolution. Ils ont cru au basculement politique sans se douter une seule seconde de l’arrivée au pouvoir du régime islamique. Quand ils ont compris que cette révolution leur avait été volée, et alors que les arrestations et les exécutions se multipliaient, ils ont décidé de partir. Le parcours vers Paris fut bien sûr compliqué. Ils ont réussi à atteindre Bagdad alors que l’Irak était en guerre contre L’Iran et ont pris un avion avec des faux papiers. Une fois à Paris, ils ont demandé l’asile politique.
Une très grande partie de votre famille vit encore en Iran. Quelle y est la situation aujourd’hui ?
Elle est dramatique. Les exécutions n’ont jamais été aussi nombreuses et la répression est très forte. Elle répond à une résistance quotidienne des femmes qui multiplient les actes de rébellion. À tout cela s’ajoutent une crise économique et cette année une sécheresse importante. Ce sont les ingrédients d’un vrai cocktail Molotov, et j’ai l’espoir que ça explose à nouveau dans pas si longtemps que ça.
Dans « 4211 km », vous racontez l’exil et le déchirement de vos parents, mais aussi votre propre construction. Vous sentez-vous partagée entre ces deux pays ?
Pas du tout. Je ne me sens pas entre les deux. Je me sens là-bas et ici à la fois. Ma langue maternelle est le persan et j’ai grandi avec la culture, la musique et la nourriture iraniennes. Mais j’ai aussi grandi en France en allant à l’école dès l’âge de 3 ans. Je suis Iranienne, et je suis Française. J’ai un amour pour ces deux pays très différent, comme peuvent l’être l’amour pour une mère et l’amour pour un père.
Écrire sa propre histoire n’est pas forcément aisé. Comment cela s’est-il passé pour vous ?
Étrangement ça a été assez rapide, car finalement j’ai laissé mûrir tout ça très, très longtemps avant d’écrire. Ça a été un déversement. Il devait y avoir une vraie nécessité chez moi car j’ai eu beaucoup de choses à dire, à raconter, des mots à poser sur des silences. Mais il a fallu aussi ensuite tout un temps de relecture, de réécriture pour recentrer le texte, m’interroger sur ce qui était vraiment universel, sur ce qui avait une vraie résonance et nécessitait d’être mis au plateau.
L’idée de « 4211 km » est donc de parler au plus grand nombre ?
Dès le départ, la question était de raconter mon histoire en incluant tous les parcours d’exilés. Et de s’interroger plus largement sur les points communs qu’il y a entre une jeune fille iranienne, née en France de parents iraniens, et une jeune fille algérienne née en France de parents algériens, ou venant d’Afrique ou d’Asie, peu importe le pays et le continent d’origine. La question était posée sur l’étranger. Qu’est-ce-que ça veut dire d’être étranger ? D’être né en France de parents étrangers ? Qu’est-ce que ça veut dire aussi pour les personnes qui vivent toute leur vie en exil ? Quel rapport on entretient à une famille qu’on ne revoit jamais ? Comment vit-on le non-retour ?
Ce sont des points de vue que l’on entend assez peu. Est-ce que c’est, entre autres, le rôle du théâtre ?
C’est un rôle essentiel oui, car effectivement il y a de moins en moins de place pour ce type de point de vue comparé aux années 1980 et 1990. Aujourd’hui beaucoup de médias sont tenus par des industriels et les lignes éditoriales n’ont plus les mêmes vocations qu’avant. Plus que jamais le rôle de la culture, de la littérature, de la poésie ou du théâtre est d’éviter une pensée unique, d’amener de la nuance et surtout de l’amener par le prisme de l’humain et de l’intime, et non par celui du politique.
Qu’aimeriez-vous que les spectateurs retiennent de votre pièce ?
Évidemment, je rêverais de faire changer d’avis des gens qui votent pour l’extrêmedroite ! Mais, plus raisonnablement, j’espère tout simplement ouvrir une fenêtre. Que les gens s’identifient à cette famille. Qu’ils aient envie de se renseigner sur l’Iran. Et qu’ils ressentent l’importance du collectif. Pour moi, cette pièce redonne espoir. Certes l’histoire est triste, il y a beaucoup de moments difficiles. Mais elle raconte aussi la force de l’être humain et du collectif. Elle donne envie de se rassembler et de profiter de chaque instant.
« 4211 km »
Cie du Nouveau Jour, le samedi 13 décembre à 20h30 à La Maline. Tarifs : de 8 à 20€.
Spectacle placé. Dès 12 ans.
Hommage au cinéma iranien
En lien avec le spectacle « 4211 km », La Maline projette trois films iraniens lors de séances spéciales à 4€.
Le dimanche 14 décembre à 17h, « Les graines du figuier sauvage », du réalisateur iranien Mohammad Rasoulof, prix spécial du jury au festival de Cannes en 2024. Conçu en prison et tourné dans la clandestinité avant l’exil de son réalisateur, ce drame sous forme de huis-clos familial est un vibrant plaidoyer pour la liberté.
Le dimanche 14 décembre à 20h15, « Oú est la maison de mon ami ? », comédie dramatique iranienne d’Abbas Kiarostami. Réalisé en 1987 et primé lors de plusieurs festivals, ce film fit connaitre le virtuose du cinéma iranien Abbas Kiarostami qui nous plonge ici dans le quotidien d’un jeune garçon iranien.
Le lundi 15 à 19h45, « Persepolis », dessin animé de Marjane Satrapi, primé à Cannes en 2007 et aux Oscars en 2008. Dans le Téhéran de 1978, Marjane, 8 ans, est élevée par des parents modernes et cultivés. Elle suit avec exaltation les évènements qui mèneront à la révolution et à la chute du régime du Chah.
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